Ouvrir un village d’enfants : quelle aventure ! - SOS Villages d'Enfants

Ouvrir un village d’enfants : quelle aventure !

 

 

Ces dernières années, SOS Villages d’Enfants a ouvert de nombreux villages d’enfants afin de répondre aux besoins des fratries. Un développement qui se poursuivra prochainement dans le Morbihan, le Doubs et les Vosges. Si la pertinence d’un accueil familial en fratrie fait à présent consensus dans le débat public et dans l’opinion, grâce à notre action au quotidien et au plaidoyer porté avec vigueur auprès des pouvoirs publics, la création d’un village, son intégration sur la commune, ou encore le recrutement des équipes, constituent à chaque fois une prouesse technique et une grande aventure humaine.   

 

« Je vois encore les enfants coller sur les fenêtres de leur chambre d’immenses feuilles de papier sur lesquelles ils avaient dessiné leur profil et écrit quelques mots qui leur tenaient à cœur : papa, maman, amour… », se souvient Anne Fustinoni, 60 ans, éducatrice familiale au village d’enfants SOS de Beauvais-sur-Matha. En ce mois d’août 2017, cette mère SOS venait d’accueillir une fratrie de quatre bouts de chou, deux garçons de 8 et 10 ans et deux filles de 11 et 12 ans, dans la toute première maison de ce nouveau village d’enfants de Charente-Maritime. L’équipement était flambant neuf, mais il manquait encore des fauteuils et les rideaux aux fenêtres. Les grandes feuilles octroyaient donc un peu d’intimité. Au fil des jours, d’autres mots et d’autres dessins se sont ajoutés sur ces stores de fortunes écrivant l’histoire de leur arrivée. « C’était leur manière de s’approprier les lieux, confirme l’éducatrice familiale. D’ailleurs, peu de temps après, lorsque les rideaux sont arrivés, ces dessins ne sont pas partis tout de suite à la poubelle : ils avaient du sens pour eux. » Anne Fustinoni se souvient aussi du jour où les deux canapés du salon, l’un vert moutarde, l’autre gris clair, ont été livrés. « Je ne m’y attendais pas, mais ce fut… la fête ! Jusqu’alors, nous passions nos soirées autour de la table du salon. Nos chaises n’avaient rien d’inconfortable, mais ces canapés, c’était du cocooning, du relâchement, du laisser-aller du corps et des émotions. » 

 

Anne Fustinoni a rejoint l’association en décembre 1999 et sa première expérience professionnelle était déjà dans un tout nouveau village, à l’époque celui de Châteaudun. « Ouvrir un village, c’est magique ! La plupart des salariés viennent d’horizons différents et n’ont pas encore d’expérience au sein de l’association. Nous avons donc un point commun avec les enfants : pour nous comme pour eux, tout est nouveau. Alors, peu importe que des rideaux manquent ou que la maison voisine soit occupée par des ouvriers qui la terminent. Au contraire même, c’est une chance de vivre quelque chose de pas banal. Il faut s’en servir pour s’en faire des souvenirs et des anecdotes communs. C’est une aventure humaine très forte. » 

 

 

RÉPONDRE À L’APPEL 

 

Cette aventure que constitue l’ouverture d’un nouveau village, SOS Villages d’Enfants la multiplie ces dernières années. Cet été, les villages de Commentry (Allier) et de Fontcouverte (Charente-Maritime) ont accueilli leurs premières fratries. La commune de Cusset (Allier) attend le sien pour début 2024 au plus tard, à L’Isle-sur-le-Doubs, la première pierre est prévue pour le deuxième trimestre 2024 et celui de Sarzeau (Morbihan) sortira de terre d’ici le troisième trimestre 2025. « Nous avons aussi acté l’ouverture d’un village à Plumelin (Morbihan), sans doute courant 2026, à Besançon (Doubs) début 2026 et, plus tard, deux autres dans les Vosges », complète Camille Bussière de Nercy, responsable du suivi de ce développement. 

Indéniablement, le modèle d’accueil familial proposé par SOS Villages d’Enfants est de plus en plus recherché. Il faut dire que si le principe de non-séparation des fratries remonte à 1996, la loi Taquet de 2022 l’a renforcé. Elle a incité les départements à enrichir leur offre d’accueils dédiés aux frères et sœurs. La demande croissante des départements rencontre l’expertise de l’association.  

 

En pratique, la création de nouvelles structures passe par la volonté d’un département de permettre une nouvelle modalité d’accueil des fratries. Le conseil départemental lance alors un appel à projets auquel l’association choisit de répondre ou non. « C’est là le choix de notre comité de pilotage, qui regroupe la plupart de nos directions, notamment la direction générale, la direction des activités, la direction de l’immobilier et la direction des finances, explique Camille Bussière de Nercy. Ce comité étudie la localisation, les conditions et les délais d’ouverture, la présence d’équipements sportifs et culturels sur la commune d’implantation, de transports publics, ainsi que le cahier des charges, qui ne doit évidemment pas aller à l’encontre de nos fondamentaux et sera validé par nos administrateurs. »  

 

La mission de SOS Villages d’Enfants est de permettre à chacun des enfants accueillis de grandir avec ses frères et sœurs, auprès de professionnels engagés dans la durée, dans le respect de ses droits, pour trouver la sécurité affective et les repères éducatifs dont il a besoin, jusqu’à son inclusion pleine et entière dans la société.   

 

Lorsque l’association remporte un appel à projets, les nombreuses étapes de création d’un village commencent. Généralement, la première consiste à identifier la commune qui va accueillir le village, même s’il y a des exceptions (voir p. 7 celle de Sarzeau). Ensuite, 15 mois d’études et de conception des plans, des bâtiments, des infrastructures extérieures sont nécessaires. La phase de construction proprement dite prend, quant à elle, plus ou moins 18 mois. « Faire sortir un village de terre, c’est, à la fois, initier des travaux de construction lourds, mais aussi s’assurer que le réseau internet fonctionnera, trouver un nom à la rue d’accès, avoir une adresse postale référencée, ouvrir des comptes bancaires, commander des meubles pour les maisons, les bureaux et les espaces communs, faire installer des cuisines, s’assurer que les portes ferment bien… », détaille Camille Bussière de Nercy. 

 

 

BÂTIR DES MURS, TISSER DES LIENS 

 

Mais construire des murs et des toits ne suffit pas. Pour qu’une implantation de village d’enfants se passe bien, il faut aussi bâtir des liens avec la commune qui accueille le village. « L’arrivée d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) sur une commune peut générer des craintes, car les a priori sur ces enfants existent. Nous devons en tenir compte, confirme Vincent Douillez, futur directeur du village morbihannais et actuel chef de service éducatif à Calais. Nous devons arriver comme nouveaux habitants de la commune et non comme un groupe désolidarisé de la vie locale. Mais cela ne se décrète pas. C’est quelque chose qu’il faut dire, répéter, puis démontrer en participant à des manifestations locales ou en en organisant nous-mêmes. »  

Cette adoption mutuelle débute souvent dès la pose de la première pierre, une occasion de se présenter à la population et à la presse pour expliquer ce qui fait la spécificité de la prise en charge par SOS Villages d’Enfants. Et une fois les portes ouvertes, tous les salariés d’un village sont aussi invités à échanger avec les écoles, les associations sportives et culturelles, les pédopsychiatres, les centres médico-psychologiques, les commerçants, les voisins…  

 

Le village d’enfants de Fontcouverte, en Charente-Maritime, a ouvert ses portes le 26  août dernier avec une première fratrie de trois enfants âgés de 4 à 8 ans. Le village est situé en périphérie d’un bois, les 11 maisons jouxtent l’école maternelle. Le gymnase de la commune, ainsi que les cours de tennis et le terrain de football sont aussi très proches. Stéphane Aranda, son directeur, insiste sur le rôle des cadres pour réussir cette greffe. « Le directeur ou la directrice doivent incarner la fonction dans l’exemplarité, il doivent être animés par l’humanisme et la bienveillance. Les équipes doivent le ressentir, mais aussi les partenaires extérieurs. En dehors de leur temps de travail, les membres de l’équipe du village ont d’ailleurs participé à un forum d’associations qui leur a permis de se présenter eux-mêmes et notre manière unique d’accueillir les enfants. » 

 

Ouvrir un nouveau village, c’est également pour la direction et l’équipe nouer des liens de confiance avec l’aide sociale du département et les travailleurs sociaux du territoire. C’est aussi un maillage essentiel avec la commune d’accueil, afin que l’arrivée du village soit synonyme d’une magnifique opportunité. 

Vincent Douillez souligne que l’ouverture d’un village d’enfants est ainsi synonyme de classes d’école qui se remplissent, de nouveaux adhérents aux clubs de sport ou encore de salariés qui vont faire vivre les commerces locaux, utiliser les services publics… « Bien sûr, on construit un village d’enfants d’abord pour répondre à des besoins sociaux et non pour dynamiser économiquement un territoire, mais cette dimension participe aussi à notre intégration. »    

 

Le recrutement des équipes est une autre façon de se faire connaître. Les offres d’emploi sont diffusées sur le site de l’association, mais aussi à l’échelle locale via les agences  de Pôle emploi, les annonces dans la presse, des réunions collectives, des participations aux forums de l’emploi, des échanges avec les écoles de formation d’éducateurs spécialisés…  

Le futur directeur de Sarzeau souhaite que les candidats aient une idée des enjeux de la protection de l’enfance, qu’ils aient pris connaissance du projet associatif, mais aussi, pour les postes d’éducateur ou d’éducatrice et d’aide familiale, qu’ils aient conscience de l’engagement particulier qui est demandé. « Leurs embauches se font d’ailleurs plusieurs mois avant l’ouverture des portes pour qu’ils  aient le temps d’aller en immersion dans d’autres villages. Ils s’assurent ainsi que ce métier centré sur l’épanouissement d’enfants au parcours traumatique est fait pour eux. » Un point de vue que partage Stéphane Aranda. « Chez nous, c’est l’enfant qui est au centre de tout. Intégrer un nouveau village d’enfants, c’est lier sa propre histoire à l’ouverture d’un village. C’est exigeant et exaltant ! » 

 

 

ACCUEILLIR CHAQUE ENFANT PERSONNELLEMENT 

 

Mais plus encore que le recrutement, l’encadrement ou les événements conviviaux initiés, les meilleurs ambassadeurs d’une bonne intégration sont toujours les enfants eux-mêmes. Eux qui iront à l’école, feront du sport, auront des copains, passeront du temps en ville, en forêt ou à la plage, inviteront leurs amis pour leur anniversaire… L’accueil personnalisé de chacun d’entre eux est donc une absolue priorité. C’est l’une des raisons pour lesquelles les maisons n’ouvrent pas toutes en même temps, mais à raison de deux tous les deux mois environ. Une arrivée massive d’enfants répondrait aux besoins urgents de placements, mais au détriment de la qualité de la prise en charge. Les mères et pères SOS prennent possession des lieux une trentaine de jours avant d’accueillir les enfants. Un temps pendant lequel ils aménagent et décorent en partie la maison.  

« Les enfants doivent arriver chez quelqu’un, dans un lieu de vie, et non pas dans une structure froide et désincarnée », illustre Vincent Douillez. C’est aussi un temps qui permet aux éducateurs familiaux de commencer à nouer des relations avec les enfants qui, quelques semaines plus tard, viendront vivre avec eux. « Lorsque je suis allée rencontrer ma fratrie, les enfants vivaient alors en foyer, raconte Anne Fustinoni. J’ai demandé à chacun de me confier un objet qui lui était cher : un jouet, une peluche, un foulard… Lorsqu’ils ont découvert leur nouveau lieu de vie, cet objet les attendait sur le lit ou, plus exactement, sur leur lit, dans leur chambre. C’était une manière de leur dire “tu es chez toi”. »  

Avant de venir vivre à Beauvais-sur-Matha, les frères et sœurs avaient aussi eu l’occasion de partager un repas dans la maison aux finitions encore inachevées. Pour pallier l’absence de certains meubles et de décoration, l’éducatrice familiale avait orné la table à manger de nombreux tournesols. « C’était très joyeux, très lumineux et les enfants m’ont souvent reparlé de cette table qui leur avait fait fort et belle impression. » Enfin, Anne Fustinoni avait offert à chacun un petit album photo dans lequel se trouvaient des clichés du village, de la maison, des membres de l’équipe, de leur future école, de la ville et d’un… arbre. « Celui-ci se trouvait à proximité du village, raconte la mère SOS. Lors de notre toute première balade, le jour de leur arrivée, le jeu que je leur avais proposé était qu’ils reconnaissent cet arbre parmi tous ceux que nous croisions. Ce sont là de toutes petites choses, mais qui leur sont très utiles pour les aider à adopter leur nouvel environnement, leur nouvelle vie parmi nous. » 

L’association cite souvent le dicton africain qui dit si justement qu’« il faut tout un village pour élever un enfant ». Directeur, éducateurs, informaticiens, comptables, juristes, architectes et donateurs… il faut aussi toute une association pour faire naître un village.  

 

 

Terrain d’entente 

 

Le futur village du Morbihan n’aurait jamais vu le jour à Sarzeau sans Marie-Hélène, donatrice, qui a offert un terrain à l’association. 

 

« Je viens vous offrir un terrain à Sarzeau, dans le Morbihan, pour qu’un jour y naisse un village. » Voilà ce qu’un jour de décembre 2016, Marie-Hélène annonça à SOS Villages d’Enfants. Un village d’enfants sur son lieu de vie ? Ce fut longtemps un rêve pour cette donatrice, mais un rêve qui deviendra réalité au troisième trimestre 2025. Son terrain comptera alors 7 maisons qui accueilleront 35 enfants. 

 

 « C’est en relevant le courrier de mon père décédé en 2009 que j’ai découvert SOS Villages d’Enfants », se souvient Marie-Hélène. Touchée par le soutien apporté aux fratries, elle est aussitôt devenue donatrice… sans imaginer qu’elle serait un jour à l’origine de la création d’un village d’enfants SOS. Au décès de sa mère, en 2016, elle hérite d’un terrain de 8 000 m2 qu’elle décide d’abord de léguer à l’association. Elle se dit que, peut-être, celle-ci pourra un jour y ériger un village d’enfants.  

« C’est mon géomètre qui m’a incitée à voir si ce village que j’imaginais ne pouvait pas être bâti de mon vivant.  » Marie-Hélène prend contact avec le maire de Sarzeau et avec l’association. À cette époque, elle ignore que ce sont les conseils départementaux qui financent ce type de projet. Qu’importe. C’est bien elle qui a donné l’impulsion initiale, elle qui a aidé à nourrir les réflexions du conseil départemental du Morbihan qui, quelques années plus tard, a lancé un appel à projets.  

 

« Sarzeau est une commune touristique, peu urbaine, à 30 minutes de grands pôles administratifs et de services. Ce n’est pas un lieu d’implantation auquel nous aurions spontanément pensé sans le don de Marie-Hélène, confirme Vincent Douillez, le futur directeur du village. Marie-Hélène est quelqu’un de très engagé pour notre cause. C’est aussi son projet à elle et je sais qu’elle aura les yeux qui brilleront lorsque la première pierre sera posée et quand les premiers enfants seront accueillis. » 

 

L’initiatrice de cette création avoue avoir « beaucoup stressé » ces dernières années. « Ce fut très long, il y a eu beaucoup d’étapes et d’attente qui m’ont mise à l’épreuve même si, personnellement, je n’ai pas fait grand-chose, j’ai été très bien accompagnée par les équipes de l’association, dit-elle modestement. Mais oui, c’est une fierté et une joie de savoir que mon don permettra bientôt de sauver quelques enfants. » 

 

En hommage à cet acte d’une grande générosité, l’allée d’accès au village portera le nom des parents de la donatrice. 

 

 

 

 

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