Article - SOS Villages d'Enfants

Courir pour les droits de l’enfants

 

SOS Villages d’Enfants organisera, en novembre prochain, son premier challenge connecté inter-entreprises pour célébrer, tous ensemble, la Journée Internationale des Droits de l’Enfant.

 

Se mobiliser pour les droits de l’enfant

 

SOS Villages d’Enfants invite ses partenaires et leurs collaborateurs à se mobiliser à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Enfant à travers un challenge connecté.

 

L’ensemble des participants aura accès, grâce à une application, à un contenu informatif et ludique autour des droits de l’enfant et de l’action de SOS Villages d’Enfants pour leur réalisation.
L’objectif : mobiliser et fédérer pour que chacun puisse devenir, à son échelle, un protecteur de l’enfance.

 

Pour l’ensemble de nos partenaires, c’est l’opportunité d’engager leurs collaborateurs dans un évènement fédérateur et solidaire, de communiquer sur notre partenariat et de les en rendre acteur.

 

Un petit pas pour vous, un grand pas pour les droits de l’enfant

 

Mobilisez vos collaborateurs pendant 15 jours, du 4 au 20 novembre 2024.

 

Chaque entreprise pourra inscrire une ou plusieurs équipes de 5 personnes. Les membres de chaque équipe se mobiliseront ensemble pour collecter un maximum de points :

  • En courant, en marchant, en roulant : le décompte de pas est profondément inclusif et convient tant aux grands sportifs qu’aux amateurs ;
  • En répondant à des quiz sur les droits de l’enfant et SOS Villages d’Enfants ;
  • En participant à des challenges photos et solidaires.

 

Le challenge sportif prendra fin le 20 novembre 2024, qui marque la Journée Internationale des Droits de l’Enfant.

 

Chaque droit d’inscription d’une équipe permettra de financer l’action de SOS Villages d’Enfants pour réaliser les droits de l’enfant en France et dans le monde.

 

Nous ne manquerons pas de récompenser les 3 équipes ayant collecté un maximum de points !

 

En partenariat avec SquadEasy

 

Nous avons choisi de travailler avec Squad Easy pour offrir aux participants une expérience ludique et engageante.

 

Ce challenge sportif peut parfaitement s’intégrer dans votre politique mécénat et RSE et encourage :

  • L’engagement et la mobilisation autour de notre partenariat ;
  • L’esprit et la cohésion d’équipe ;
  • Le bien-être grâce à une pratique sportive plus importante ;
  • Une réduction des émissions carbone en privilégiant la mobilité douce de vos collaborateurs.

 

 

Pour plus d’informations, l’équipe du Pôle Partenariat est à votre écoute :

 

Hakuna Matata, une philosophie de vie pour Loelya

Hakuna Matata, quel chant fantastique ! Ces mots signifient que tu vivras ta vie, sans aucun souci !

 

ll n’est pas simple de grandir lorsqu’on a le sentiment de ne rien représenter pour sa mère. Mais Loelya a pu compter sur le village d’enfants de Digne-les-Bains pour bâtir une vie dont elle est aujourd’hui fière. 

 

Il n’y a pas si longtemps, au village d’enfants SOS de Digne-les-Bains, personne ne s’étonnait d’entendre s’échapper des fenêtres de la villa 3 les chansons du dessin animé Le Roi Lion… plusieurs fois par semaine ! « Je connaissais tous les dialogues par cœur, en sourit encore Loelya, aujourd’hui âgée de 22 ans. Et je demandais souvent à Anne*, ma première mère SOS, de me lire l’histoire avant de m’endormir. » On comprend vite, en discutant avec la jeune femme, que la promesse vantée par les personnages de Disney avait tout pour la rassurer. 

 

Née à La Seyne-sur-Mer, Loelya ignore qui est son père et ne connaît pas non plus la plupart de ses demi-frères et sœurs. « Je crois que nous sommes une fratrie de dix », avance-t-elle, en évoquant le dossier de l’aide sociale à l’enfance qu’elle a consulté en 2017. Loelya n’a grandi qu’avec deux demi-sœurs, Sophie et Tasnim, respectivement âgées d’un an et de deux ans de plus qu’elle. « Mais je ne les ai vraiment connues qu’en arrivant au village d’enfants. Ma mère souffrait de troubles psychiatriques lourds », explique-t-elle. 

 

 

UNE NOUVELLE VIE AU VILLAGE D’ENFANTS 

 

Pupilles de l’État, les fillettes ont ensuite été confiées à l’équipe du village d’enfants SOS de Digne-les-Bains. « J’y suis arrivée à 3 ans, raconte Loelya. Sophie et Tasnim y avaient été accueillies quelques mois plus tôt. J’étais petite, mais j’ai des souvenirs de ce jour-là. Je revois les deux éducateurs spécialisés qui m’ont présenté les lieux, ainsi que la psychologue du village, avec laquelle je suis toujours en lien. » 

 

Loelya a immédiatement bénéficié d’un suivi psychologique rigoureux, coordonné par le village. « J’ai longtemps été une enfant renfermée. Je communiquais surtout avec les chats, les chiens et les chevaux, car je faisais de l’équitation. Ce soutien psychologique m’a vraiment aidée. » 

 

De sa première mère SOS, Loelya garde le souvenir d’une femme «  très douce et bienveillante » qui lui a apporté ce dont elle avait le plus besoin : de l’amour et du soutien afin qu’elle prenne confiance en elle. « J’ai toujours trouvé des personnes ressources stables, notamment chez les éducateurs, auprès desquels je me suis beaucoup confiée, analyse la jeune femme. Je pense en particulier à Paul, qui a énormément compté pour moi, avec qui j’ai appris à skier et passé le permis en conduite accompagnée, et qui me recadrait lorsque j’étais arrogante avec les adultes. Il a été la figure paternelle qui me manquait. » 

 

ENTOURÉE DE BIENVEILLANCE 

 

Petite, Loelya rêvait de devenir chirurgienne, vétérinaire ou policière. « Mais je n’aimais pas assez l’école pour ce genre de formations », reconnaît-elle. Peu motivée par les études, elle a malgré tout décroché un très honorable bac sciences et technologies de la santé et du social. Pourtant, la jeune diplômée souhaitait travailler dans un tout autre domaine : celui de la sécurité civile. « J’ai réussi les tests du centre de recrutement des forces armées de Lyon, explique-t-elle. Mais il n’y avait pas de poste immédiatement accessible. » Loelya a alors suivi les conseils d’un gradé qui l’invitait à rejoindre un régiment de transmissions dans l’est de la France. Une expérience qui l’a finalement déçue. « J’y ai mis fin et je suis rentrée à Digne-les-Bains… un peu perdue. » 

 

Nous étions alors en pleine période Covid-19 et les besoins en aides-soignants étaient énormes. Après avoir vu une annonce, la jeune femme a quitté le job de vendeuse qu’elle avait décroché pour entamer une formation courte qui a aussitôt débouché sur un CDI. « Depuis le 30 juillet 2022, je travaille dans un Ehpad. J’aime ce métier, mais j’espère pouvoir un jour faire de l’humanitaire à l’étranger ou rejoindre un service de psychiatrie, domaine que j’avais apprécié lors de ma formation. » 

 

Sa trajectoire sinueuse et néanmoins remarquable montre à quel point la possibilité d’expérimenter est cruciale à ces âges de la vie. « À présent, j’ai mon propre appartement, ma voiture, un travail… Oui, je suis fière de mon parcours. Je n’en serais pas là sans SOS Villages d’Enfants. À chaque étape de ma vie, j’ai été entourée de personnes très attentives. Je garde d’ailleurs des liens forts avec le village où je repasse régulièrement. C’est un peu ma famille.»  

 

Sortir les « Tantie Bagage » de la rue

 

 

SOS Villages d’Enfants Côte d’Ivoire aide les enfants à reprendre le chemin de l’école. 

 

« Tantie Bagage ! », voilà le cri que lancent des centaines de jeunes filles sur les marchés et devant les gares de Côte d’Ivoire pour proposer de porter les courses des clients et les valises des voyageurs. Cela nuit à leur santé, les expose aux dangers de la rue et les éloigne de l’école. C’est pourquoi, en 2017, SOS Villages d’Enfants Côte d’Ivoire a lancé le programme « Tantie Bagage », aujourd’hui financé par Quadient SA et la Fondation RAJA-Danièle Marcovici, qui a pour objectif de sortir ces jeunes filles de la rue et de leur fournir l’accès à une éducation. « Nous finançons leur scolarisation ou leur formation professionnelle, et assistons les parents en renforçant leurs compétences parentales et en les aidant à créer des activités génératrices de revenus. Enfin, nous sensibilisons les communautés locales aux droits de l’enfant », explique Désiré Aimé Aimon, responsable du programme. 

 

En appui à leur scolarisation, l’association fournit également aux enfants des tablettes numériques avec des applications éducatives. Selon les besoins, ces outils permettent de revoir les bases (alphabétisation et calcul) ou de travailler des compétences plus professionnelles. « Ce dispositif marche formidablement bien, se réjouit Lynda Guibony, responsable du programme à Aboisso. Nous espérons l’étendre à d’autres villes. » 

 

Créé à Yamoussoukro, le programme « Tantie Bagage » a été déployé à Abobo et à Aboisso pour 150 jeunes dans chaque ville. Dans sa troisième et actuelle phase, ce dispositif inclut environ trois garçons pour dix filles. « Ils sont moins concernés, indique Lynda Guibony, car traditionnellement, ce sont les filles qui aident à l’entretien du foyer, aux courses… Si les parents n’ont pas les moyens de scolariser tous leurs enfants, la priorité est donnée aux garçons. » 

 

Tous les « Tantie Bagage » ne sont pas portefaix. C’est le cas d’Ange Wah, 17 ans, à Aboisso. « Pendant trois ans, j’ai vendu de l’eau, confie-t-elle. Un jour, une dame de SOS Villages d’Enfants s’est approchée pour m’expliquer qu’elle aidait les « Tantie Bagage ». Aujourd’hui, j’apprends le métier de peintre en bâtiment. C’est comme réaliser un rêve. » Convaincre les parents de se passer des revenus de leurs enfants prend parfois du temps, reconnaît Lynda Guibony. 

 

« Pour certains, ne plus avoir à payer les frais de scolarité suffit. Pour d’autres, notre soutien au démarrage d’une activité commerciale est déterminant. À Aboisso, 41 familles sur 92 sont accompagnées à la création de nouveaux revenus. » Un soutien nécessaire, afin de permettre à leurs enfants de reprendre le chemin de l’école.  

 

Une année olympique pour le PEPS : à la découverte de soi et des autres

 

Le sport est un levier de changement, de découverte de ses capacités, d’apprentissage de l’effort individuel et collectif… Alors que vont débuter les Jeux olympiques de Paris, nous vous proposons une immersion auprès de jeunes qui prennent part au programme d’épanouissement par le sport de SOS Villages d’Enfants. 

 

Ce lundi 4 mars 2024, en début d’après-midi, les neuf garçons et filles âgés de 12 à 14 ans ne se sont pas fait prier pour se jeter dans l’eau de la piscine L’Odyssée, à Chartres. Venus des villages d’enfants SOS de Jarville (Meurthe-et-Moselle), Marange-Silvange (Moselle) et Châteaudun (Eure-et-Loir), la plupart ne se connaissaient que depuis quelques heures. Mais entre deux éclaboussures, lancers de ballon et démonstrations du talent de l’un pour le crawl et de l’autre pour garder la tête sous l’eau, un début de complicité voyait déjà le jour. 

 

La veille, Lora, Luc, Éric, Jason, Nathan1 et les autres se sont retrouvés dans un gîte de Moutiers-en-Beauce, dans l’Eure-et-Loir, après quelques heures de voyage. Dans la salle commune de l’un des trois bâtiments de cette jolie longère, Moustapha Benherrat, responsable du programme d’épanouissement par le sport, leur a rappelé pourquoi ils étaient là. 

« Je suis très heureux de partager ma semaine avec vous, a-t-il commencé. Cette semaine, nous allons la construire ensemble, préparer nos activités, choisir nos menus, établir des règles de vie commune… Et pendant ces sept jours, nous, les adultes, qui vous encadrons, allons vous aider à surmonter vos difficultés, vous montrer que vous êtes capables de faire bien plus de choses que vous ne le pensez. Dans chaque village, seuls trois enfants peuvent participer à ce programme. C’est donc une réelle opportunité pour vous, mais cela veut aussi dire que pour l’association, il s’agit de montrer à chaque participant qu’il compte beaucoup. » 

 

Le programme d’épanouissement par le sport, ou PEPS, comme tout le monde l’appelle, est une initiative de SOS Villages d’Enfants, proposée à une cinquantaine d’enfants chaque année. Encadrés par une équipe de coordination dédiée, les enfants effectuent une semaine d’activités sportives ensemble trois fois par an. 

 

Le PEPS s’adresse aux garçons et aux filles manifestant des comportements qui les empêchent de bien grandir. « En les confrontant à la nature, à l’effort, à la persévérance, à la vie en collectivité, ces stages sont un « détour « qui leur permet de se voir autrement, de se construire, de faire évoluer leurs rapports aux autres. Dans le contexte habituel de la vie des jeunes dans le village, les adultes se focalisent souvent sur leurs difficultés. Au PEPS, nous nous appuyons sur ce qu’ils savent faire. Et certaines de ces capacités, qui s’expriment durant ces stages, ne s’étaient encore jamais manifestées sur leur lieu de vie », ajoute Moustapha Benherrat. 

 

PAS DE PANIQUE ! 

 

Au lendemain de son arrivée, le petit groupe d’enfants s’est donc retrouvé à la piscine de Chartres pour une première activité physique qui se voulait aussi ludique que sportive. Pendant ces quelques heures passées dans l’eau, les encadrants, Claire, Ilona, Marie, Célia, Cyril et Moustapha, leur ont demandé de réaliser de petits exercices. Sauter du bord du bassin et se laisser remonter à la surface, faire l’étoile de mer pendant cinq secondes, nager au moins une demi-longueur, aller chercher un objet au fond de l’eau… Oh, rien de bien compliqué pour la plupart des enfants, surtout présenté ainsi, sous forme de jeu. « Mais ce n’était pas qu’un jeu, sourit Moustapha. Car le lendemain, ils ont dû réaliser les mêmes exercices dans le cadre d’un « test antipanique ».  

 

Celui-ci leur était indispensable pour pouvoir prendre part aux activités d’initiation à la voile et à la plongée prévues les jours suivants. » Mais pour des enfants fragilisés par des carences éducatives ou des maltraitances, ou sujets à de nombreux psychotraumatismes, devoir commencer cette semaine par une évaluation au nom inquiétant aurait été une entrée en matière désastreuse. Sans le savoir et en jouant, ils se sont donc préparés à cette petite épreuve. Le lendemain, lorsqu’ils se sont retrouvés devant le maître-nageur, les exercices leur étaient familiers. Le « test antipanique » n’a paniqué personne ! « Cela peut paraître anecdotique, mais c’est emblématique de notre approche, commente le responsable du PEPS. Rassurer, accompagner, trouver les manières de leur montrer ce dont ils sont capables, et ainsi les faire gagner en confiance en eux, c’est tout l’enjeu du programme. » 

 

DES RITUELS QUI AIDENT 

 

Au moins autant que les activités sportives elles-mêmes, la vie en communauté et son intendance (faire les courses, le ménage, la lessive, préparer à manger, organiser les veillées…) constituent des leviers de changement. Dans ce domaine également, «  l’important, c’est de participer ! ». Et pour que ce quotidien se passe aussi bien que possible, les encadrants ont leurs astuces. D’abord, les groupes qui sont chargés de ces « corvées » sont composés au hasard. Plus exactement, lors d’une partie de Loups-garous de Thiercelieux, un jeu de société apprécié des enfants. « Cela évite que des copains du même village se choisissent mutuellement et donne une dimension ludique à ces contraintes. Ce n’est ni Pierre, Paul ou Jacques qui doivent passer le balai, mais le groupe des « Loups », pendant que ceux des « Voyants » et des « Chasseurs » sont, eux, chargés du repas ou des courses », explique Cyril Delpech, aide familial au village d’enfants de Châteaudun et encadrant de ce PEPS. 

 

Il y a aussi les « rituels » qui rythment chaque journée. Des journées qui commencent tôt pour celles et ceux qui le souhaitent. Chaque matin, les enfants peuvent en effet quitter leur chambre à 7 h 30 pour un « réveil musculaire ». « La plupart du temps, il s’agit d’aller faire un footing de cinq kilomètres, souligne Moustapha Benherrat. C’est un temps de préparation physique, mais aussi mentale, qui permet à chaque participant de réfléchir à ce qui l’attend dans la journée, à son comportement, à ses rapports aux autres… » 

 

Après la douche et le petit déjeuner, vient le moment de la « météo des émotions ». Chaque matin – et chaque soir –, les enfants se regroupent en cercle et chacun exprime alors ses sentiments, ses fiertés, ses peurs, ses colères, ses regrets… Des prises de paroles qui ne sont jamais commentées par les autres et encore moins critiquées. « C’est un exercice très pédagogique, commente Cyril Delpech. On sait que mettre des mots sur ses émotions n’est pas simple, encore moins en public. S’exprimer ainsi, c’est aussi apprendre à se connaître soi-même. » 

 

SE JETER À L’EAU 

 

Des émotions qui sont aussi souvent vives pendant les activités sportives, comme ce jeudi 7 mars, jour du baptême de plongée. En cette fin d’après-midi, les enfants et leurs encadrants étaient particulièrement concentrés. Décompression, bouteille, détendeur, masque, palmes… les mots fusaient, tout comme les consignes de sécurité, de la bouche de l’un des moniteurs de l’association à l’initiative du stage de plongée. Touchés par la cause des enfants, sept de ses plongeurs ont offert deux heures de leur temps pour initier les enfants des villages à leur passion pour les profondeurs aquatiques. 

 

« Allez, tous à l’eau, maintenant ! », ont lancé les moniteurs une fois le brief achevé. Les enfants ont donc enfilé leur gilet, mis l’embout dans la bouche, plongé la tête sous l’eau… À la fin de la séance, tous sont parvenus à s’asseoir au fond de la piscine et, en regardant leurs copains, étaient fiers de pincer leur pouce sur leur index, signe universel pour dire que « tout va bien ». «  Plonger les confronte à un élément qui peut être anxiogène et les oblige surtout à faire confiance à un adulte qu’ils n’ont jamais vu de leur vie, analyse Moustapha Benherrat. Pour eux, qui ont bien des raisons de se méfier des « grands », réussir ce baptême est une immense victoire. » 

 

Cette activité était très complémentaire à l’initiation à la voile qu’ils avaient eue la veille. Ce jour-là, sur le plan d’eau du cercle nautique de la Beauce, les enfants, par trois sur de petits catamarans, ont cette fois dû composer avec les autres. « Au début, nous avons entendu pas mal de noms d’oiseau siffler, sourit le responsable du PEPS. Les enfants n’étaient pas d’accord entre eux sur les manœuvres à effectuer et les bateaux n’avançaient pas bien. » Mais ils savaient que la voile ne se gonflerait que s’ils parvenaient à se coordonner. Alors, ils ont géré leur frustration, accepté de tester la technique préconisée par un autre, trouvé ensemble la solution… 

« Ces enfants vivent dans le cadre du village, parfois depuis leur plus jeune âge, analyse Moustapha Benherrat. Ils ont en permanence auprès d’eux des adultes qui évaluent leur situation et leurs besoins, les protègent, et ils doivent par ailleurs gérer beaucoup de contraintes liées à leur accueil dans un village SOS. C’est pour leur bien, évidemment, mais ils sont guidés et encadrés tout le temps. Cette fois, c’était à eux de décider et de mener leur barque en quelque sorte. » 

 

Travailler son estime de soi passe aussi par des choses plus simples. Un jour, l’équipe d’encadrants a reçu des caisses remplies de matériel d’équitation destiné au stage du groupe prévu en avril. Il fallait en faire l’inventaire et le trier pour confectionner des « kits » individuels. Problème, les adultes n’y connaissaient rien. Ils ont donc demandé à Justine, 12 ans, un coup de main qui s’est révélé prodigieux. Jusqu’alors très réservée, la jeune fille, qui pratique l’équitation depuis ses 4 ans, s’est transformée en leader de l’activité. « Là, ce sont des chaps qui s’enfilent sur le tibia. Il en faut deux par personne, explique-t-elle à ses copains. Ici, le cure-pied. Il en faut un par sac, comme l’étrille, l’éponge… » « Et ces lanières, à quoi servent-elles ? », demande l’un d’eux. « C’est le licol, le harnais qui va sur la tête. Il ne faut surtout pas l’oublier. » La jeune fille, qui jusqu’alors s’était montrée très effacée, avait perdu toute timidité et prenait conscience de sa capacité à partager ses compétences. 

 

DEVENIR ADULTE 

 

Les difficultés se révèlent aussi dans des contextes plus inattendus. Le vendredi 8 mars, dans l’après-midi, alors que ses copains ne cachaient pas leur impatience de commencer un escape game2 aux Clayes-sous-Bois (Yvelines), Gaëlle, une jeune fille de 12 ans du village de Jarville, se tenait en retrait, assise dans un recoin, mutique. À l’incitation de Moustapha Benherrat, les enfants sont allés la voir pour l’inviter à rejoindre l’un des groupes en cours de constitution avant de se lancer dans des chasses au trésor. En vain. Si Gaëlle refusait de pénétrer dans les salles du jeu, c’était par peur d’être enfermée dans le noir. Finalement, au bras d’une éducatrice, elle a pris part à l’aventure… et constaté que les salles étaient toutes éclairées. « Nous ne connaissons pas son passé ni ce qui explique cette peur du noir, analyse Moustapha Benherrat. Mais nous avons trouvé un moyen de la lui faire dépasser. Notre espoir, c’est que dans d’autres circonstances, face à d’autres épreuves, elle saura se souvenir qu’elle est capable de surmonter ses craintes. » 

 

En sortant de l’escape game, Gaëlle a d’ailleurs évoqué son impatience à faire la deuxième semaine de stage, même si, selon elle, « ce sera un peu plus compliqué, car j’ai peur des chevaux… Mais j’ai malgré tout hâte d’y être ! Au PEPS, on fait du sport, on vit ensemble, on s’amuse, et je crois que je suis plus forte qu’avant de venir. En fait, au PEPS on apprend à devenir adulte ».  

 

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Le PSPEPS : un PEPS en duo 

 

Le programme spécifique PEPS (PSPEPS) est une alternative proposée aux enfants en grande souffrance psychologique, à celles et ceux qui sont le plus en conflit avec les adultes, l’école, les règles de vie sociale… Le principe est de les emmener en « marche thérapeutique », en tête-à-tête avec Moustapha Benherrat et, dans les années à venir, d’autres éducateurs formés. La fréquence et la durée de ces randonnées s’adaptent au cas par cas, mais il en faut souvent plusieurs et pendant plusieurs jours pour qu’un début de bascule s’opère. « Nous partons d’abord quelques heures, puis un week-end, voire quelques jours, pour marcher et parler, avec juste nos tentes et deux sacs à dos », indique le responsable. Des sacs à dos qui jouent un rôle important, puisqu’en début de randonnée, celui de l’enfant est assez chargé en équipement. « J’explique au jeune que ce sac représente sa vie actuelle, avec tous les éléments qui l’empêchent de bien avancer, raconte l’éducateur. Et je l’informe que chaque fois qu’on trouvera une solution à l’une de ses difficultés, je déplacerai un objet de son sac vers le mien. » Moustapha se souvient avoir emmené une jeune de 14 ans, aux fréquentes pensées suicidaires. Dans son mal-être, elle avait toutefois accepté ce PSPEPS, consciente que c’était une chance de sortir d’une spirale infernale. « Le premier jour, elle n’a pas voulu m’adresser le moindre mot, confie l’éducateur. Je lui avais dit de marcher devant moi et de venir à ma hauteur lorsqu’elle aurait envie de parler. » Après cette première journée, suivirent un week-end, puis un périple de 80 kilomètres sur six jours, avec toujours plus de mots échangés. « Aujourd’hui, elle n’évoque plus le suicide, elle reste fragile, mais… elle avance. » 

 

L’édito de Sara

Je m’appelle Sara*, j’ai 11 ans et j’habite au village d’enfants SOS depuis quatre ans. Ma fratrie est la plus ancienne du village, nous y sommes depuis son ouverture. J’y vis avec mon frère, ma sœur jumelle et une autre fratrie de deux garçons plus jeunes que moi. On est super proches, je les appelle mes frères de cœur ! Avoir une jumelle, c’est chouette, mais parfois, on s’énerve ! Comme quand elle allume la lumière trop tôt le matin, alors que moi, je préférerais rester un peu plus longtemps sous la couette… 

 

Après l’école, ce que j’aime faire depuis toujours, c’est danser et dessiner. J’ai deux copines que j’adore, mais il nous arrive aussi de nous taquiner. J’ai des cours de street dance avec des copines et de dessin tous les mercredis après-midi. J’aime beaucoup les mangas, comme Kamikaze Kaitou Jeanne ou Pichi Pichi Pitch, donc c’est surtout ça que je dessine. Plus tard, quand je serai grande, j’aimerais être dessinatrice de mangas et pâtissière. 

 

À la maison, je suis très proche de mon aide familiale depuis plusieurs années maintenant, et j’aime beaucoup tous les adultes du village. Parfois, ils viennent me demander de leur faire des dessins, ils disent que j’ai un vrai talent. 

 

Cet été, en juillet, je vais participer au PEPS**. La dernière fois, on avait fait de la cani-rando dans la neige et, cette fois-ci, on va aller au lac de Sainte-Croix, j’ai hâte ! 

 

* Par souci de confidentialité, le prénom de l’enfant a été changé. 

** Programme d’épanouissement par le sport. 

ARPEJ – fiches de bonnes pratiques

« De l’attention, de la bienveillance, de l’humanité »

 

 

 

Orphelin à 13 ans, Nathan a trouvé au village d’enfants SOS le cocon qui lui a permis  de s’épanouir. 

 

« C’était un soir de l’été 2019 », se souvient Nathan. Ses petites sœurs, qui n’avaient pas encore 9 ans, et lui, leur grand frère de presque 14 ans, étaient arrivés peu de temps avant au village d’enfants SOS. « Mes sœurs avaient un gros coup de blues, raconte le jeune homme. La directrice du village l’avait appris. Elle avait sonné chez nous et nous avait invités à la rejoindre. » 

 

Un peu étonnés, les enfants avaient alors embarqué à ses côtés pour quelques petits kilomètres en voiture. La directrice avait garé son véhicule à l’orée d’un champ. « Nous sommes sortis et avons regardé les étoiles briller… tout simplement, poursuit Nathan. Nous avons discuté, bien sûr, mais c’est surtout la magie du moment que j’ai gardée en tête. Bien plus que ce que je pourrais raconter de mon quotidien, c’est, pour moi, ce qui caractérise le mieux SOS Villages d’Enfants. Les éducatrices familiales (nos mères SOS), les encadrants, la psychologue… tous ces gens-là font, bien entendu, leur travail, leur métier. Mais ils ne font pas que ça. Ils sont vraiment là pour nous. Ils créent des liens sincères, remplis d’attention, de bienveillance, d’humanité. » 

 

« VOILA, ICI, C’EST CHEZ VOUS » 

 

Nathan et ses sœurs se sont retrouvés orphelins après le décès de leurs parents, disparus tous deux d’un cancer à quelques années d’intervalle. Les enfants ont d’abord vécu en famille d’accueil, auprès d’une personne « très nocive », précise Nathan, avant de partir rejoindre un foyer stable et protecteur chez SOS Villages d’Enfants. « On nous a dit : « Voilà, ici, c’est chez vous. Voici vos chambres. » Pour mes sœurs et moi, c’était un vrai soulagement. » Nathan assure que tous les trois ont très bien vécu cette arrivée dans un cadre de vie tout neuf, puisque le village venait d’ouvrir ses portes. Il reconnaît cependant qu’il était alors un enfant très renfermé sur lui-même. Marqué par la perte de ses parents, il avait beaucoup manqué l’école les deux années précédentes. Ayant peu de relations sociales ou amicales, il se réfugiait dans ses jeux vidéo. Les trois enfants ont toujours gardé des liens affectifs avec les membres de leur famille et ce n’est pas tant l’affection qui manquait à Nathan. « À cette époque-là, j’avais surtout besoin d’écoute, de repères, de quelqu’un qui soit le plus présent possible pour moi et joignable quand il s’absentait. J’ai eu tout cela au village. » Ils l’ont trouvé auprès de Jeanne*, leur mère SOS. 

 

Âgé aujourd’hui de 18 ans, Nathan est un jeune homme d’une grande maturité. Étudiant en prépa littéraire à Bordeaux, il ne sait pas encore avec certitude vers quelle profession il se dirigera. « Enseignant, chercheur, journaliste… ? J’aime apprendre, et faire une prépa me laisse le temps de peaufiner mon orientation. » Ainsi, malgré les mois d’école manqués, Nathan a vite rattrapé son retard et sa scolarité a été facile. « Dès la fin de la troisième et pendant toutes mes années « lycée », j’adorais aller en cours et je me suis fait des amis incroyables. » Fils de professeurs, dans une famille où tout le monde a fait de longues études, il dit « baigner dans cet univers-là » depuis toujours. Jeanne, elle-même ancienne enseignante, l’a encouragé dans la voie des études supérieures. « J’ai beaucoup de plaisir à échanger avec elle sur des sujets d’actualité, de confronter nos points de vue… pas toujours similaires, précise-t-il avec le sourire. Je lui dois une part de ma curiosité, mais elle m’a surtout poussé à être moi-même, sans chercher la validation de mes choix dans le regard des autres. » 

 

FAIRE FAMILLE

 

Nathan a désormais son propre appartement étudiant, mais a gardé sa chambre au village, où il passe des week-ends et ses vacances. « Je m’y sens plus chez moi que dans mon logement du Crous. » Ses liens avec le village SOS restent forts. D’ailleurs, pendant les congés d’octobre dernier se déroulait le VESOS CIDE (voir l’Actu page 2), une journée d’activités et de compétitions sportives organisée chaque année au sein des villages SOS afin de célébrer la journée internationale des droits de l’enfant. Nathan y a pris part, non plus comme participant cette fois, mais en tant qu’encadrant. « C’était une sorte de jeu de piste qui amenait les enfants d’une activité à une autre. J’étais chargé de l’atelier « danse » où nous leur proposions de s’essayer au Madison. Cela a été un super moment. » 

 

S’il n’a jamais vu sa mère SOS comme une maman de « substitution », il la considère néanmoins comme quelqu’un de sa famille. « Je connais son ex-mari, certains de ses enfants, elle m’a invité chez elle, une maison en ville dont elle m’a déjà laissé les clefs lorsque j’ai eu besoin d’un endroit où me poser avec des amis. Et depuis que j’ai le permis, Jeanne me prête parfois sa voiture… » Nathan n’exclut pas d’avoir un jour des enfants et sait que cela serait une joie pour Jeanne. « Elle deviendrait alors une sorte de grand-mère de cœur. Je crois qu’elle serait fière », prédit le jeune homme.  

 

*Par souci de confidentialité, certains prénoms ont été changés 

 

Les droits de l’enfant : une boussole au cœur des crises

 

Séismes, conflits armés, sécheresse, terrorisme… de nombreux pays connaissent des crises majeures dont les conséquences peuvent être dévastatrices pour les enfants qui en sont victimes : exploitation, violences, déscolarisation… Afin de répondre à cette dure réalité, les interventions de SOS Villages d’Enfants se distinguent par leur approche globale centrée sur les droits de l’enfant. 

 

« Tu as le droit d’avoir un nom, une nationalité et une identité. Tu as le droit d’être protégé de la violence, de l’exploitation ou des discriminations. Tu as le droit d’être soigné, d’aller à l’école, celui de jouer ; le droit de t’exprimer, d’être écouté. Et tu as le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé. » Voilà ce que dit, en substance, la Convention internationale des droits de l’enfant à chaque enfant de cette planète. Un texte important, aujourd’hui ratifié par 197 États, qui met en avant quatre principes fondamentaux : le droit de vivre, la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect des opinions des mineurs. Des évidences, penserez-vous ? L’application de ces droits ne va pourtant pas toujours de soi, particulièrement dans les pays en crise. Conflits territoriaux, tremblements de terre, terrorisme, sécheresse, effondrement économique… autant d’événements dramatiques, ponctuels ou durables, dont les enfants sont les premières victimes. 

 

« Ce qu’on appelle l’approche par les droits de l’enfant est la boussole de l’intervention de SOS Villages d’Enfants partout dans le monde, explique Leslie Goldlust, directrice des programmes internationaux de l’association. Concrètement, cela signifie qu’en cas de crise humanitaire, sociale, armée, que l’on soit dans le cadre de l’urgence, du développement ou de la reconstruction, les droits des enfants restent les mêmes et ne peuvent leur être ôtés. » Or, en temps de crise, les enfants restent les plus vulnérables et les interventions humanitaires visent principalement à répondre rapidement aux besoins les plus urgents des populations affectées (soins, aide alimentaire, abris…). Il n’est bien sûr pas question d’opposer les uns aux autres, « mais il faut répondre aux besoins fondamentaux des enfants, en gardant en tête cette approche par les droits », précise Florine Pruchon, responsable du Pôle plaidoyer chez SOS Villages d’Enfants. 

 

C’est pour cela que l’association allie au quotidien l’action de terrain et la contribution au débat public grâce au plaidoyer. Derrière le terme « plaidoyer » se cachent toutes les manières de défendre la cause des enfants et des jeunes accueillis en protection de l’enfance, en France et dans le monde. Cela regroupe l’ensemble des actions de sensibilisation, les études, les rapports d’expertise, les recommandations… que mène et formule l’association en direction des décideurs politiques et du grand public. L’objectif est de peser sur les décisions en matière de protection des enfants, car « personne ne s’oppose frontalement aux droits des enfants, mais ce n’est pas non plus « la » priorité des décideurs. C’est grâce au travail de plaidoyer que le secteur associatif mène depuis de nombreuses années que la question est de plus en plus intégrée dans les textes de loi », complète Florine Pruchon. 

 

 

TERRAINS D’EXPERTISE 

 

L’engagement de SOS Villages d’Enfants se concrétise sur le terrain à travers différents programmes d’accompagnement conçus pour répondre, dans la durée, aux situations de crise. Présente dans 137 pays et territoires dans le monde, SOS Villages d’Enfants est concernée par la plupart de celles qui touchent la planète. L’association française apporte plus spécifiquement son aide (à la fois financière et de suivi/évaluation de ces programmes) à une dizaine de pays, principalement situés en Afrique de l’Ouest, mais également en Haïti, en Arménie et à Madagascar. 

 

« Dans un pays comme le nôtre, le premier et le plus important des droits des enfants à assurer, c’est celui de survivre. Ensuite, il nous faut préserver les enfants d’être mis au travail, leur permettre de se soigner, d’aller à l’école… Mais tous ces droits sont intimement liés les uns aux autres », souligne Bouzoue Bazongo, coordinateur de la prise en charge alternative à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, l’instabilité sociopolitique est intense depuis 2015. Les coups d’État se sont multipliés et les actions terroristes de djihadistes sont régulières, particulièrement dans la région du Sahel. « Ce contexte sécuritaire nous a conduits à créer une Maison d’accueil d’urgence en avril 2022, poursuit Bouzoue Bazongo. Elle peut accueillir simultanément jusqu’à huit enfants abandonnés, victimes de traite, dont on a perdu la trace des parents, ou encore des fugueurs… Leurs profils sont donc différents de ceux habituellement accueillis au village SOS. » Une éducatrice familiale, un psychologue, une assistante sociale et un éducateur travaillent ensemble au sein de cette maison. Ils sont en lien avec les autorités locales, le juge des enfants et la gendarmerie, pour trouver, ensemble et en six mois, une solution d’hébergement pérenne pour chacun. Dans le meilleur des cas, les parents ou des membres de leur famille sont retrouvés. « Mais lorsqu’il s’agit de parents éloignés, ceux-ci voient souvent ces enfants comme des bouches de plus à nourrir, regrette Bouzoue Bazongo. Notre rôle est alors de les orienter vers les structures d’État qui peuvent les aider, mais aussi de les former à la responsabilité parentale et de les aider à développer des activités génératrices de nouveaux revenus. » 

 

Permettre aux familles d’avoir une autonomie financière, c’est aussi l’un des buts du programme ARPEJ, cofinancé par l’Agence française de développement. ARPEJ, Approche régionale pour la protection de l’enfance et de la jeunesse, a été lancé en 2021 en Côte d’Ivoire, au Togo et au Burkina Faso. « Ce programme cible les zones où se trouvent les familles les plus vulnérables, notamment des mères isolées, au pouvoir d’achat très faible. Quelque 70 familles, soit plus de 300 enfants, bénéficient d’ARPEJ chez nous », détaille Mariette Kanguembega, coordinatrice du programme à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. 

 

Bon nombre de ces familles très pauvres hébergent des proches – parfois même des inconnus – qui ont fui les zones où se multiplient les attaques terroristes. C’est le cas d’Alizetta, 60 ans, qui vit avec ses sept enfants et petits-enfants dans une maisonnette de tôle. Il y a plus d’un an, elle a accueilli sa fille et ses trois enfants déplacés. « ARPEJ a développé un soutien d’urgence pour répondre à ce type de situations, ajoute Mariette Kanguembega. Nous avons pu apporter à Alizetta un appui en vivres (riz, maïs, haricots…) et avons prévenu les services de l’État, qui l’ont aussi aidée à nourrir sa famille. Mais nous l’avons surtout accompagnée pour qu’elle lance un élevage de moutons. Nous lui avons donné son premier couple de chèvres, de l’alimentation animale, des abreuvoirs, des mangeoires… Des petits sont déjà nés et, à terme, la famille sera autonome. » 

 

Une étape essentielle pour que les enfants ne soient pas contraints de travailler est qu’ils reprennent le chemin de l’école. C’est dans ce même objectif que SOS Villages d’Enfants Burkina Faso paye les frais de scolarité et les fournitures scolaires de près de 200 d’entre eux. « J’ai retrouvé ma fierté, lance Germaine, 15 ans. Je risquais de ne pas passer mon BEPC et je voyais mes camarades poursuivre leurs études sans moi… J’ai été grandement soulagée et cela m’a beaucoup encouragée à bien travailler en classe. » Germaine est la fille de Tassembedo. Épouse d’un mari non voyant et maman de deux enfants qui avaient été renvoyés de l’école pour défaut de paiement, Tassembedo est, elle aussi, épaulée dans le cadre d’ARPEJ. SOS Villages d’Enfants lui a fourni une charrette, une table d’exposition, des bâches d’étalage et 250 kg de maïs. Grâce à ce petit équipement, la maman vit désormais de la vente de farine et de couscous de maïs. Sans ce soutien, ses enfants seraient dehors, à travailler. Mariette et Bouzoue le disent d’une même voix : « Si les enfants sont vus comme des sources de revenus pour la famille, ce n’est pas que les parents n’ont pas conscience de leurs droits, c’est qu’ils pensent n’avoir pas d’autre choix. » 

 

 

LE PARTAGE : UN OUTIL POUR DÉFENDRE LES DROITS 

 

Tout comme au Burkina Faso, le village d’enfants de Mopti, au Mali, doit faire face à des risques sécuritaires liés aux attaques djihadistes. « Situé au centre du Mali, notre village est au cœur des zones de tension, explique Badou B. Touré, éducateur chargé des activités socioéducatives de ce village d’enfants. Nous devons empêcher les intrusions dans notre enceinte, mais aussi faire en sorte que les enfants ressentent le moins possible ces menaces. Et, en restant le plus souvent possible à leurs côtés, nos mères SOS jouent un rôle crucial. » 

 

Le village est clos et la direction a recruté des gardiens supplémentaires pour contrôler les allées et venues. Contrôler, mais ne pas interdire. « Notre village reste ouvert aux communautés des alentours, poursuit l’éducateur. Nous avons de l’eau que nous partageons. De même, notre infirmerie est ouverte à tous, comme nos installations sportives, nos espaces de jeux, notre salle de fête… Nous mettons à disposition nos infrastructures pour que les enfants soient intégrés à la communauté. Mais, dans le même temps, nous devons nous protéger des mauvaises intentions. » Malgré ce contexte tendu, les équipes gardent comme fil rouge de leur travail les droits des enfants. Les villages comptent tous un coordinateur chargé de la politique de sauvegarde de l’enfant , « et, précise l’éducateur, chaque semaine, les membres de l’équipe de notre village se réunissent pour voir s’il y a eu des entorses aux droits des enfants chez nous, mais aussi dehors. Car nous œuvrons pour que ces principes infusent hors de nos murs. Par exemple, si nous apprenons qu’un commerçant chez qui nous achetons du pain est violent avec les enfants, nous allons discuter avec lui, mais s’il ne change pas d’attitude, nous cessons d’en faire notre fournisseur. » 

 

Badou B. Touré insiste aussi sur l’attention des équipes à écouter et à tenir compte de la parole des enfants. « Chaque année, illustre-t-il, nous participons à une compétition de foot entre communautés. Les matchs se jouent traditionnellement chez nous parce que nous avons les meilleures installations. Mais, cette année, nos jeunes nous ont demandé que certains matchs soient joués hors du village SOS. C’était pour eux une façon de ne pas passer pour des joueurs avantagés. Nous n’y avions pas pensé et les avons écoutés, bien qu’organiser des déplacements soit beaucoup plus compliqué. Mais cela leur a porté bonheur, puisqu’ils ont remporté le trophée ! » 

 

 

DONNER UN FUTUR À L’AVENIR 

 

« Miayotse Tymarefo » est une locution malgache que l’on peut traduire par « aider les plus fragiles à sortir la tête hors de l’eau ». Elle a donné son nom au programme MITYMA, mis en place à Madagascar en 2022 avec l’appui de l’AFD. « Les discriminations que subissent les enfants, les violences ou encore leur exploitation sont souvent liées à la vulnérabilité économique des familles [ndlr : exacerbée par le changement climatique, notamment les sécheresses à répétition] », constate Michael Masimbola, l’un des responsables de la mise en œuvre du programme pour la région d’Androy. MITYMA s’appuie sur plusieurs leviers : accès à la santé, aide à la création d’activités économiques, formation des parents… S’y ajoute un gros travail visant à améliorer la perception des droits de l’enfant dans les cultures locales. « Lorsqu’on manque d’eau, de nourriture, d’un toit… on ne pense pas spontanément à ces droits, ajoute Michael Masimbola. C’est pourquoi nous signons des conventions avec les représentants des communautés locales que nous formons à ces questions. Les communautés s’engagent alors à mieux détecter les cas de violence, à tout faire pour les éradiquer, à éviter les mariages précoces, à écouter les enfants… Nous sensibilisons les notables, les responsables religieux, des élus locaux… bref, tous celles et ceux qui sont écoutés par la population. Cela constitue, au final, ce que nous nommons une « protection communautaire », grâce à laquelle les droits des enfants deviennent peu à peu des normes communautaires. » 

 

À Haïti aussi, les équipes de SOS Villages d’Enfants s’appuient sur les communautés locales pour faire face aux nombreuses crises, notamment environnementales, que connaît ce pays. Cette petite république est si régulièrement secouée par des tremblements de terre que SOS Villages d’Enfants a même mis en place des formations aux gestes de sécurité à adopter lors des secousses. L’association répond évidemment présente pour mettre à l’abri les familles privées de logement, de nourriture ou de soins après les séismes. 

 

Face à une profonde et violente crise socioéconomique, ainsi qu’à l’insécurité liée aux gangs, les équipes locales savent mieux que personne combien la défense des droits des enfants passe par l’attention portée aux parents. Également en lien avec l’AFD, le programme DEPARE (Droits de l’enfant via une parentalité responsable) est mis en œuvre dans six quartiers de Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, dans le but de renforcer les capacités économiques et éducatives des parents. « Nous accueillons les enfants dans des centres de jour où ils peuvent jouer, apprendre, avoir deux repas chaque jour et, pendant ce temps-là, leurs parents peuvent se former à la cosmétique, l’électricité, la plomberie, la cuisine… », explique Phara Olivier, la responsable Projets pour DEPARE. L’association se distingue aussi par ses actions en direction des pères, qu’elle sensibilise à l’éducation positive, non violente, et à la prévention des abandons. 

 

Recia Joseph a la charge de trois enfants, dont deux d’une amie ayant quitté le pays « en raison de ses difficultés économiques », déplore Phara. Son époux a participé à une formation sur « la paternité active et consciente ». « Avant, je n’avais pas d’autre soutien de mon mari qu’un apport financier, raconte la maman. Mais, après ces formations, j’ai remarqué des changements chez lui. Un dimanche matin, à mon retour de l’église, il avait nettoyé toute la maison, ainsi que notre cour. Un autre jour, j’avais prévu de laver beaucoup de vêtements et, à mon réveil, j’ai trouvé une grande quantité d’eau qu’il était allé chercher pour moi [ndlr : à Haïti, il n’est pas rare de parcourir plusieurs kilomètres pour accéder à un point d’eau]. Et puis, maintenant, il fait étudier les enfants, ce qui n’était pas le cas avant. » 

 

Il faut y voir de l’espoir. L’avenir de ces pays en crise reposera demain sur les épaules de ces enfants, mieux éduqués, mieux soignés, mieux écoutés.  

 

SOS Villages d’Enfants France a fait partie, dès 2014, des membres fondateurs du Groupe Enfance, un collectif aujourd’hui reconnu, qui rassemble 18 ONG engagées dans la défense des droits de l’enfant à l’international. Ainsi, le 23 novembre dernier, le collectif organisait à l’Assemblée nationale un colloque intitulé Les droits de l’enfant dans les contextes de crise, avec des interventions de représentants du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français, de l’Agence française de développement et de l’Unicef.

 

À cette occasion, Kamila et Oleksandr, deux jeunes Ukrainiens réfugiés et accueillis par les équipes de notre Programme de renforcement des familles, situé dans le département du Nord, ont témoigné de la fragilité de ces droits. « Avec la guerre, presque tous ont été bafoués, a expliqué Oleksandr, 15 ans. Mes droits à l’éducation ont été abandonnés puisque je ne pouvais pas aller à l’école, je ne pouvais même pas étudier à distance, car nous n’avions pas d’électricité ni de connexion WiFi. » La nourriture était évidemment restreinte et les médicaments de première nécessité manquaient, car réservés aux militaires. Kamila s’est, elle, réjouie d’avoir, grâce à sa famille d’accueil soutenue par SOS Villages d’Enfants, « la possibilité de recevoir une éducation sur un pied d’égalité avec les enfants français, de bénéficier de soins médicaux complets et gratuits ». 

L’édito d’Enzo

Je m’appelle Enzo* et j’ai 11 ans (12 en mai !). J’habite au village SOS du Lion-D’Angers depuis quelques années avec mon frère, ma sœur et une autre fratrie. Ce que j’apprécie le plus ici, ce sont les activités organisées lors des fêtes, que ce soit à Noël, à Halloween ou à d’autres occasions spéciales.  

 

D’ailleurs, l’hiver dernier, pendant les fêtes, j’ai eu la chance d’aller au ski avec mon éducateur familial, mon frère et ma sœur. C’était la deuxième fois que je partais skier ! 

 

J’aime de nombreux sports : le handball, l’équitation, le foot, la natation… et j’ai de la chance, car en plus de mes entraînements de handball tous les mercredis, il y a beaucoup d’activités autour de l’équitation dans mon village. Récemment, j’ai aussi eu l’opportunité incroyable d’être sélectionné comme ramasseur de balles lors d’un match de l’équipe de foot de notre ville. C’était une expérience formidable de pouvoir observer les joueurs de près et de vivre l’excitation du terrain. 

 

À l’école, même si je ne suis pas un as en maths, j’adore ça. Les calculs m’amusent et j’aime relever les défis. En dehors des cours et de mes activités sportives, je m’évade en lisant les aventures hilarantes de Mortelle Adèle. Cette BD raconte la vie d’une fille qui fait plein de bêtises, et chaque histoire me fait éclater de rire. 

 

 * Par souci de confidentialité, le prénom de l’enfant a été changé.