“J’ai signé un CDI avec la protection de l’enfance à ma naissance” - SOS Villages d'Enfants

“J’ai signé un CDI avec la protection de l’enfance à ma naissance”

Après avoir été ballotée de foyers en familles d’accueil, Esmeralda a trouvé, au sein de SOS Villages d’Enfants, la sérénité et… une vocation.

Mon espoir professionnel ? Travailler un jour pour SOS Villages d’Enfants ! ”, lance Esmeralda, 20 ans. Un espoir qui a toutes les chances d’aboutir tant la jeune femme est portée par une ambition bien légitime.

Esmeralda est actuellement en seconde année d’une formation en trois ans qui lui décernera le titre d’éducatrice spécialisée. Pour l’instant, elle découvre le métier au sein d’Enfant Présent, un réseau de crèches dites “préventives”, axées sur la prévention. “C’est une formation en alternance, précise-t-elle, je vais donc souvent travailler chez les parents dans le cadre de l’aide éducative à domicile que propose Enfant Présent.”

Devenir éducatrice spécialisée, Esmeralda y pensait depuis toute petite. “Je connais le monde de la protection de l’enfance, ses points forts comme ses faiblesses. J’ai même une forme d’expertise, parce qu’à ma naissance, j’ai signé un CDI avec la protection de l’enfance !”, plaisante la jeune femme. Son histoire est en effet mouvementée. Esmeralda est arrivée au village d’enfants SOS de Busigny à l’âge de 10 ans, avec son petit frère de 7 ans et l’une de ses petites sœurs, âgée, elle, de 5 ans. Des enfants qu’elle ne connaissait que de vue. “Je suis issue d’une fratrie de 8 enfants, nés de plusieurs pères. Je n’ai jamais réussi à créer des liens forts avec mes frères et sœurs. Ma mère ne nous battait pas, mais elle n’était pas apte à nous élever. Nous n’avions pas de logement fixe, il m’est arrivé de dormir dans le coffre d’une voiture, je manquais souvent l’école…”

Avant de poser sa petite valise au village d’enfants SOS de Busigny, Esmeralda a connu les foyers, mais aussi 12 familles d’accueil différentes ! “J’étais comme un objet qu’on déplaçait d’un endroit à un autre. Le système est mal foutu : on est retiré d’un endroit parce qu’il y a une urgence pour un autre enfant ou parce que la famille d’accueil change son projet, ou encore parce qu’on ne se fait pas à la vie dans un foyer… Ces changements de famille d’accueil s’expliquent surtout par les nombreuses tentatives de retour chez ma mère, qui furent toutes des échecs.”

 

SE RÉVÉLER À SOI-MÊME

Sa vie à SOS Villages d’Enfants fut pour elle une vraie révolution. “Pour la première fois, je me sentais protégée. Personne n’allait me taper, me voler, dire du mal…” Elle avait alors tant l’habitude de changer de lieu de vie, que son installation ne posa pas de problème. “Mais, sourit-elle, il m’a fallu du temps pour comprendre comment ça fonctionnait. Au début, j’étais persuadée que tous les enfants avaient les mêmes repas, les mêmes activités, quelle que soit la maison où ils vivaient.” Néanmoins, pendant ses premiers mois au village d’enfants SOS, Esmeralda est beaucoup restée dans sa bulle. “J’avais trop souvent vu partir les gens à qui je m’étais attachée…” Petit à petit, elle a trouvé ses marques avec les autres enfants. “Nous étions tous dans la même école et nous sommes devenus une famille. Entre nous, nous nous appelions les ‘frères et sœurs SOS’.” Esmeralda mettra plus de temps à accorder sa confiance aux adultes. “Ma mère n’a jamais accepté mes placements et me montait la tête contre SOS Villages d’Enfants. J’ai eu un déclic vers mes 14 ans. J’ai compris qu’elle était toxique pour moi et que j’avais besoin d’amour : besoin d’en donner et d’en recevoir.”

 

Esmeralda dit avoir été une élève peu intéressée par l’école, incapable de se concentrer plus de 10 minutes. Sans doute exagère-t-elle un peu, car elle décrochera un joli bac STMG (Sciences et technologies du management et de la gestion) qui ouvrit la porte à ses études supérieures actuelles. Ce qui est certain, c’est qu’elle a trouvé au sein de SOS Villages d’Enfants une opportunité de développer ses talents : l’Espace Village de Consultation des Jeunes, puis l’Espace National de Consultation des Jeunes. Ces deux instances permettent à des enfants, élus par leurs pairs, de porter auprès des responsables de l’association les sujets qui leur tiennent à cœur : droits, scolarité, autonomie, sorties… “Prendre part à ces lieux de débat fut déterminant pour moi. Cela va paraître fort, mais cela m’a révélée à moi-même. Avant, je faisais partie de ceux qui suivaient le groupe, je n’avais rien d’une leader. J’ai appris à avoir un avis, à le donner, à argumenter, à parler devant les autres…” Des compétences qui, souligne-t-elle, lui sont extrêmement utiles dans ses études.

 

Aujourd’hui, Esmeralda vit en colocation avec Chloé, l’une de ses anciennes éducatrices devenue une amie. Elle prendra toutefois bientôt son propre appartement, son dernier pas vers l’indépendance. Mais elle sait que ses liens resteront forts avec les équipes de SOS Villages d’Enfants, à Busigny comme à Paris. “Et puis je connais plein d’enfants dans plein de villages SOS, sourit-elle. Pour eux, je suis un peu comme une grande sœur, je ne vais pas les abandonner !” La jeune femme sait que dans la plupart des structures de la protection de l’enfance, on s’interdit trop souvent les liens affectifs, l’attachement. “C’est une aberration ! C’est grâce à ces liens que je me suis reconstruite et c’est avec ce même état d’esprit que j’exercerai demain mon métier d’éducatrice spécialisée.”

 

 

“L’amour fraternel est unique”

Fidèle donatrice, Joëlle a vécu une histoire humaine très forte avec sa sœur.

 

Joëlle, 73 ans, se souvient encore de ce jour du début des années 90 où elle entendit parler pour la première fois de SOS Villages d’Enfants.

 

“Anny Duperey, que j’ai toujours beaucoup aimée, donnait une interview sur Europe 1. Elle parlait de sa séparation forcée d’avec sa sœur et de son engagement pour SOS Villages d’Enfants. Ce fut pour moi un déclic.” Quelques jours plus tard, Joëlle devenait l’une des donatrices régulières de l’association à laquelle elle a aussi choisi de léguer son héritage.

 

Si le soutien aux fratries touche particulièrement Joëlle, c’est qu’elle a eu une relation unique avec sa sœur, de deux ans sa cadette. “Celle-ci est décédée en novembre 2020, explique notre donatrice. Claudine souffrait de troubles psychologiques et était partiellement dépendante. Je me suis toujours beaucoup occupée d’elle, particulièrement après le départ de notre mère en maison de retraite, en 2002.”

 

Les deux sœurs n’habitaient pas ensemble, mais vivaient dans la même rue. Et Joëlle décrit leur relation comme fusionnelle. “J’ai été une seconde maman pour elle. Nous avions énormément de complicité.” L’enfance de Joëlle ne fut par ailleurs pas très heureuse, car ses parents ne s’entendaient pas. “Ils se sont rapprochés lorsque l’état de ma sœur a nécessité un enfermement hospitalier, que cette dernière a très mal vécu ; elle avait 23 ans.”

 

Joëlle, Parisienne et ancienne fonctionnaire rédactrice au sein d’un ministère, ne s’est pas mariée et n’a pas eu d’enfants. “On m’a parfois dit que j’avais sacrifié ma vie par devoir, mais avant ce ‘devoir’, il y avait l’amour que j’avais pour ma sœur, c’était mon ‘bébé’… L’amour fraternel est unique, très différent des autres. Quand on perd un frère, une sœur, c’est une partie de soi qui s’en va, car ce frère, cette sœur, c’est quelqu’un qu’on a connu depuis toujours, avec qui on a partagé depuis l’enfance joies et peines.”

 

Toutes ces années de dévouement expliquent pourquoi Joëlle est si profondément attachée à la fraternité et au soutien que l’on doit aux plus vulnérables. “J’ai une admiration totale pour les femmes et les hommes des villages d’enfants SOS, car je sais quel investissement demande le fait de s’occuper d’une seule personne qui connaît des difficultés. Ces mères SOS qui se dévouent autant pour des petits qui ne sont pas de leur sang, je les trouve plus qu’admirables.”

Dans 3 mois, Marion ne pourra
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