Le parcours de Linda Massé, placée dès sa naissance, montre que, loin des clichés, il n’y a pas de fatalité.
“J’ai un travail, je vis en couple, je suis la maman d’une petite Alyssa de 4 ans et demi, je fais du sport, je vois régulièrement mes amis… Bref, tout va bien ! ”, sourit Linda Massé. Aujourd’hui âgée de 36 ans, Linda Massé, est ingénieure informaticienne de profession et monte, en parallèle, une plateforme de vente en ligne de vêtements “grandes tailles”. Elle vit depuis 3 ans à Léognan, près de Bordeaux mais a grandi au village d’enfants SOS de Carros, près de Nice. “Pendant mon enfance et mon adolescence, je m’étais promis de réussir ma vie, c’est-à-dire d’avoir la vie la plus normale et la plus heureuse possible, et c’est le cas”.
Linda Massé n’a jamais vécu avec ses parents. Elle a rejoint le village d’enfants SOS de Carros à l’âge de 2 ans après avoir été placée en pouponnière peu après sa naissance. “Avec ma sœur d’un an plus âgée que moi – également placée en pouponnière -, nous avons été accueillies par Thérèse Dolla qui fut mon unique mère SOS. Notre grande sœur, plus âgée de deux ans, y était arrivée quelques mois plus tôt”. Un petit frère né après leur placement les y rejoindra ensuite.
Linda Massé ne sait pas grand-chose des raisons qui ont conduit à son placement. “J’ai choisi de ne pas aller remuer ce passé en fouillant mon dossier personnel”. Elle n’ignore pas, toutefois, que leur mère avait alors à peine 20 ans, qu’elle était arrivée depuis peu de temps d’Algérie et qu’elle ne vivait pas avec son conjoint. “Nous n’avons pas subi de maltraitances physiques mais à l’évidence, notre mère n’était pas apte à nous élever…”.
Jusqu’à ses 14 ans, Linda Massé va voir régulièrement cette dernière qui bénéficie d’un droit d’hébergement lors de certains week-ends et périodes de vacances. Une “obligation” à laquelle l’enfant aurait aimé pouvoir échapper. “J’ai toujours senti que je n’étais pas à ma place avec elle et que cela ne m’apportait rien de bon, bien au contraire. Dès que j’ai pu rompre le lien, je l’ai fait”.
Si Linda n’a jamais eu de rapports fusionnels avec Thérèse Dolla, elle la considère toutefois comme sa “maman de cœur”. Elle évoque de nombreux souvenirs heureux comme ces vacances d’été en Normandie ponctuées de parties de pêche, de jeux à la plage, de sorties aux musées… “Nous avons toujours fait beaucoup d’activités avec elle, notamment des activités manuelles. J’adorais cela et je fais pareil aujourd’hui avec Alyssa. Et puis, Thérèse m’a donné la plupart des valeurs auxquelles je crois : le respect, la générosité, la persévérance…”.
Pendant de nombreuses années, la fratrie a coulé des jours assez heureux avant qu’un drame vienne perturber l’équilibre en place. En 1997, le petit frère des trois sœurs meurt des suites d’une maladie. Dès lors, les relations entre les sœurs de Linda et leur mère SOS se dégradent tant que les deux grandes finissent par devoir quitter le village d’enfants SOS pour rejoindre un foyer.
“Je garde un souvenir confus de cette période, explique Linda, j’ai occulté beaucoup de choses. Pour ma part, si je n’allais pas bien, je ne le montrais pas. J’avais un comportement normal, je travaillais bien à l’école, je suis restée très sociale…”.
DEVENIR ADULTE
Joueuse de handball de très bon niveau, Linda réalise un premier de ses rêves : intégrer une formation Sport Études en internat. Elle a alors 16 ans. Après deux années d’études, elle n’a pourtant pas envie de devenir professeure de sport. Elle choisit donc de revenir dans le circuit du bac “classique” avant d’entamer une formation en psychologie. “C’était passionnant, se souvient-elle, mais la perspective de devenir psychologue ne me plaisait pas non plus…”. Pendant un peu plus d’un an, Linda Massé travaille comme vendeuse avant de reprendre des études, à Paris, en sciences du langage et en “traitement automatique des langues ” (c’est-à-dire la traduction des langues naturelles en données informatiques). “J’ai un peu cherché ma voie, mais j’ai aimé ces expériences toutes enrichissantes”, souligne Linda qui aimerait que son niveau Bac+5 encourage les enfants placés à faire des études.
Comme pour de nombreux anciens enfants placés, la question de la parentalité s’est posée de façon aiguë pour Linda. “Être maman, c’est merveilleux mais je ne fais pas partie des anciens enfants placés qui avaient comme projets prioritaires de devenir parents pour faire un pied de nez au destin”. Après avoir trouvé du travail et rencontré son conjoint, l’idée de fonder une famille commença toutefois évidemment à trotter dans la tête du couple.
“C’était me jeter dans un inconnu complet et il m’a d’abord fallu régler ces éléments importants de mon passé qu’étaient le décès de mon frère et mon histoire avec parents, raconte-t-elle. Une thérapie m’a permis de faire la paix avec mon parcours et aujourd’hui je goûte pleinement la chance d’être devenue mère”.
Si elle ne porte pas ses réussites en étendard, Linda Massé ne cache pas qu’elle espère montrer autre chose que les clichés véhiculés par les médias lorsqu’on parle des enfants placés. Sans en faire une croisade, Linda Massé n’hésite jamais à faire connaître son parcours, en particulier lorsqu’elle rencontre des adolescents des villages d’enfants SOS ou en foyer. “Chaque fois que j’entends parler de leurs trajectoires, c’est toujours pour évoquer des destins brisés, des vies compliquées… Cela me désole car il n’y a pas de fatalité. Lorsque, comme moi, on a eu la chance de ne pas avoir été détruit psychologiquement par des traumatismes lourds, on peut, avec du soutien, des efforts, du courage, avoir une belle