Abandonnée à la naissance, Sorya a trouvé dans le village d’enfants SOS d’Ait Ourir, au Maroc, le lieu idéal pour grandir.
“Un miracle ! Oui, vraiment, mon arrivée au village d’enfants SOS d’Ait Ourir (Maroc) fut pour moi un vrai miracle”.
Sorya Elmaqrani a 25 ans. C’est une jeune femme posée, bien dans sa vie et dans sa tête et l’enthousiasme qu’elle manifeste à l’évocation de “ses années SOS” n’a rien de factice.
Sorya est née en 1993 de parents inconnus. Abandonnée à la naissance, elle fut d’abord placée dans la pouponnière dans un hôpital de sa ville de naissance, Oujda, ville frontière avec l’Algérie. “J’ai pu visiter cette pouponnière pour la première fois l’an dernier, raconte Sorya. J’ai vu les regards perdus et tristes de ces petits. Ils sont bien traités, ne manquent pas de soins ni de nourriture mais ils n’ont personne à qui s’accrocher. En fait, ils sont toujours abandonnés”.
Certains auront la chance d’être adoptés, les autres, âgés de 4 ans au plus, iront rejoindre une structure de placement. Ce sont les assistantes sociales de la pouponnière qui ont trouvé une place à Sorya, sa place dans l’un des 5 villages d’enfants SOS du Maroc. “Grandir dans une famille adoptive, ce n’était pas mon destin, voilà tout”, commente sobrement Sorya. Je ne regrette rien, à l’instant où je suis arrivée au village, je suis née à nouveau”.
Lorsqu’elle rejoint la maison familiale, 7 enfants sont déjà présents. À deux ans, elle est la plus jeune. Les “grands” deviendront vite ses frères et sœurs de cœur et même un peu plus que ça, sa seule famille. “Quant à ma mère SOS, Mina Bella, comment vous dire, elle représente tout pour moi : la sécurité, l’affection, les valeurs. C’est… mon idole !
Des années qu’elle passe enfant dans le village d’enfants SOS d’Ait Ourir, la jeune femme garde un souvenir enchanté. “Il y avait tout : une maison confortable, un parc, une ferme, un terrain de sport. Le village d’enfants SOS compte alors 14 maisons qui hébergent chacune 6 à 8 orphelins qui vivent dans un grand esprit de communauté très soudée. “L’équipe éducative nous a permis de faire du sport, de la danse, de la musique, complète Sorya. Cela paraîtra exagéré mais j’ai eu une enfance paradisiaque, mieux que celle de la plupart des jeunes Marocains”.
Quitter le cocon
Mais au Maroc, les enfants accueillis dans les villages d’enfants SOS quittent la maison familiale à l’adolescence. Ils rejoignent alors un foyer qui dépend souvent de l’association SOS Villages d’Enfants, afin de les aider à accéder progressivement à l’autonomie, en étant toujours soutenus par le village d’enfants SOS. Il s’agit parfois d’un internat, comme ce fut le cas pour Sorya. “J’ai intégré un internat militaire dans lequel j’ai passé 6 ans, précise-t-elle. Même si j’y avais été préparée, ce fut un déchirement de quitter mon cocon ; cela a rouvert la blessure de l’abandon”. Les liens ne furent évidemment pas rompus avec ceux qu’elle appelle ses frères et sœurs, sa mère ou l’équipe de SOS Villages d’Enfants Maroc. Comme les autres adolescents, Sorya fut accompagnée par les éducatrices de son village d’enfants SOS tout au long de son cursus de lycéenne. Elle pouvait aussi, occasionnellement, rentrer chez elle, principalement lors des vacances pour les grandes fêtes religieuses.
“J’ai toujours pu compter sur le soutien de ma mère, même si je ne la voyais que 4 ou 5 fois par an, précise la jeune femme. Mais, bien que bonne élève, ce n’est que très récemment que j’ai trouvé la voie professionnelle qui me convienne vraiment. Je pense que mon traumatisme de naissance explique le temps qu’il m’a fallu pour me stabiliser”.
En effet, après son bac, Sorya rejoint d’abord une École supérieure de technologie marocaine où elle passe un DUT Finance-Comptabilité-Fiscalité. Une filière qu’elle n’a pas vraiment choisie, elle qui aurait rêvé de faire Médecine. “Mais l’association SOS Villages d’Enfants Maroc n’avait pas les moyens de me financer des études si longues”, soupire-telle. Après son DUT, Sorya passe une licence en logistique puis entre, sur concours, dans un institut scientifique à Casablanca où elle obtient son master en génie logistique. “Mais là encore, dit-elle, je n’étais pas vraiment intéressée… Depuis toute petite je rêvais de faire des études en France. J’en ai parlé à ma mère et grâce à son aide j’ai pu arriver en septembre pour suivre un master à l’Institut Supérieur de Management de Versailles”. Pendant quelques mois, Sorya est logée chez la soeur de sa mère SOS. Mais cet hébergement n’a pas pu se pérenniser et quelques mois après son arrivée, la jeune femme risquait de devoir retourner au Maroc avant même d’avoir achevé son cursus. “J’ai alors eu l’idée de prendre contact avec SOS Villages d’Enfants France qui m’a permis de disposer d’une chambre au sein du village d’enfants SOS de Plaisir ( Yvelines)”. Sorya a également bénéficié d’un soutien financier de SOS Villages d’Enfants France pendant plus de 2 ans.
Sorya a obtenu son 2e Master Contrôle – Audit en février dernier. Elle vit désormais dans une résidence étudiante à Nogent-sur-Marne et prépare, en contrat de professionnalisation, le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion. “Mon objectif final est d’obtenir mon diplôme d’expertise-comptable, complète-t-elle. J’ignore encore si, demain, je travaillerai en France ou si je retournerai au Maroc. Ce que je sais sans aucun doute, c’est que sans SOS Villages d’Enfants, sans les donateurs, ma vie aurait été beaucoup moins belle. Je voudrais les remercier au nom de tous les enfants à qui ils ont sauvé la vie”.