Niky veut prendre sa part pour aider les enfants

Confiée très jeune en protection de l’enfance, Niky a trouvé, au village d’enfants SOS de Persan, de solides bases pour construire sa vie.

« Lorsque je suis arrivée au village d’enfants de Persan, j’avais 5 ans. J’étais petite, mais je me souviens qu’Isabelle, ma mère SOS, m’a serrée dans ses bras et que nous nous étions promenés en forêt avec les enfants de l’autre fratrie de la maison, qui venaient eux aussi d’arriver. J’avais eu peur la première nuit. J’étais redescendue dans le salon et Isabelle avait su me rassurer. »

Ces bribes de souvenirs d’enfance seraient anecdotiques si elles ne marquaient pas une rupture forte avec sa vie d’avant. Niky a aujourd’hui 21 ans. Elle espère un jour devenir dentiste. Un destin bien loin de celui qui aurait pu l’attendre.

Originaires d’Haïti, ses parents sont venus en France, espérant y avoir une meilleure vie. La jeune femme n’a pas le souvenir de maltraitances, mais sait que son père et sa mère, avec lesquels elle n’est plus en contact, souffrent de lourds problèmes psychiatriques. Elle raconte avoir grandi dans un cadre de vie précaire, logeant souvent à l’hôtel ou chez des connaissances, quand elle n’était pas à la rue. « Mes parents vivaient de petits boulots non déclarés, ne prenaient pas soin de nous et ne nous apportaient pas beaucoup d’amour.  »

Niky a vécu six mois en foyer avant de rejoindre le village d’enfants SOS de Persan. Avec son grand frère et sa grande sœur, respectivement âgés de six et de quatre  ans de plus qu’elle, elle fait partie des premiers enfants accueillis dans ce village SOS qui venait à peine de sortir de terre. À son arrivée, Niky a trouvé auprès d’Isabelle l’affection qui lui avait tant manqué. « Et puis nous avons vu beaucoup de médecins. Nous avons vite compris que les personnes qui nous entouraient voulaient vraiment prendre soin de nous », raconte la future dentiste.

Niky n’a eu qu’une seule éducatrice familiale, aujourd’hui retraitée, qu’elle considère « comme sa mère ». « Isabelle était aimante, mais c’était aussi quelqu’un qui savait être ferme quand il le fallait, se souvient la jeune femme. Elle nous a offert un cadre structurant, mais n’avait pas peur de montrer son affection et nous a intégrés à sa vie personnelle. Nous connaissons ses enfants, qui venaient souvent au village. Je continue à la voir régulièrement ; c’est quelqu’un d’important pour moi. »

CELLE QUE JE SUIS AUJOURD’HUI

La loyauté, le respect et la fraternité sont les grandes valeurs que Niky a héritées de sa mère SOS. « Elle était très ouverte d’esprit. Elle venait du nord de la France, moi, d’Haïti, et les enfants de l’autre fratrie, du Bangladesh. Nous nous sommes enrichis de nos trois cultures respectives. Isabelle nous cuisinait des quiches au maroilles, mais nous allions également dans les marchés africains de Château Rouge, à Paris, pour découvrir des aliments qui étaient, pour elle aussi, plus « exotiques ». »

L’éducatrice familiale a également aidé les enfants à se forger leurs propres opinions en les intéressant à l’actualité, aux questions de société, et en encourageant Niky à intégrer l’Espace en village de consultation des jeunes (EVCJ), une instance qui permet aux enfants accueillis par l’association de contribuer à l’amélioration du fonctionnement des villages. Une expérience « extraordinaire », dit-elle, qui l’a aidée à gagner en confiance. « Je sais à présent que si j’étais restée au foyer ou étais repartie vivre chez mes parents, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui : celle qui étudie, qui a des projets de vie… »

Niky a quitté la maison familiale de Persan à ses 18 ans, bac en poche, pour commencer ses études à Paris. Elle, qui a toujours été bonne élève, suit un double cursus : une licence Santé et société et une mineure Accès santé qui lui permettra d’intégrer les filières médicales de l’Université de Paris. Elle vit dans un appartement du Crous de Paris. Elle s’était préparée à cette indépendance, mais reconnaît qu’elle rencontre encore aujourd’hui des difficultés pour gérer parfaitement son budget ou effectuer certaines démarches administratives. « Mais le plus compliqué, c’est peut-être la solitude. Nous passons d’une vie entourée d’enfants et d’adultes à une vie en solo ; ce n’est pas simple. » Pour accompagner les jeunes dans cette phase de transition, l’association dispose d’une politique d’accompagnement des jeunes. Elle permet de les soutenir dans leurs projets, d’être là pour eux en cas de difficulté et de s’engager à ce qu’aucun d’entre eux ne quitte le village sans solution adaptée.

La jeune femme s’accroche, portée par son objectif de devenir un jour pédodontiste, autrement dit chirurgien-dentiste spécialiste des soins aux enfants. « J’aimerais aussi être dentiste référente en protection de l’enfance. Je sais que le suivi médical est difficile à mettre en place pour les enfants confiés. J’aimerais beaucoup prendre ma part pour améliorer cela.»