Monsieur le Premier Ministre : Les jeunes majeurs ne peuvent plus attendre ! - SOS Villages d'Enfants

Monsieur le Premier Ministre : Les jeunes majeurs ne peuvent plus attendre !

SOS Villages d’Enfants salue l’avis rédigé par Antoine Dulin sur saisine gouvernementale d’Edouard Philippe le 5 mars 2018 sur la prévention des ruptures dans les parcours en protection de l’enfance adopté le 13 juin 2018 par le Conseil économique social et environnemental.

SOS Villages d’Enfants espère fortement que ce rapport viendra irriguer les propositions qui seront faites par la Ministre Agnès Buzyn dans le cadre de la stratégie gouvernementale protection de l’enfance 2018-2022 annoncée à l’autonome.

 

Aujourd’hui, en France, plus de 300 000 enfants et jeunes bénéficient d’une mesure de l’aide sociale à l’enfance. A 18 ans, ils devraient pouvoir bénéficier d’un contrat jeune majeur et ce jusqu’à leurs 21 ans. Toutefois, ces contrats deviennent de plus en plus difficiles à obtenir auprès des conseils départementaux et leur durée de plus en plus courte, de 3 à 6 mois. C’est donc une véritable épée de Damoclès qui repose sur ces jeunes et une incohérence de demander à ceux qui disposent du moins de ressources de faire plus vite et mieux que les autres. 

La  saisine gouvernementale reconnaît une  urgence et cet avis du CESE rend visible cette problématique en lien avec les ruptures de parcours en protection de l’enfance. Il formule  des propositions pour  sécuriser les jeunes jusqu’à leur pleine autonomie, en insistant sur leurs besoins et droits fondamentaux.

 

SOS Villages d’Enfants voudrait revenir sur quelques propositions de ce rapport qui ont retenu son attention :

 

  • Mettre l’accent sur la dimension affective, sociale et humaine

La dimension affective, sociale et humaine doit être primordiale. Il est plus qu’important pour ces jeunes – comme pour n’importe quel autre jeune – de ne pas être confrontés à une rupture brutale des  liens éducatifs et affectifs tissés, de ne pas voir leur réseau social se réduire et même disparaître de leur vie des personnes dont ils avaient le sentiment qu’ils pouvait « compter pour » et « compter sur ».  Antoine Dulin a choisi, pour en témoigner auprès du CESE, un extrait de la pièce J’ai pas l’temps, j’suis pas comme eux[1]. Le rapport qu’il présente propose en ce sens de développer les réseaux de personnes ressources et multiplier les parrainages avec des personnes extérieures, y compris du monde de l’entreprise.

 

  • Accompagner le jeune tout au long de son parcours et jusqu’à sa pleine insertion dans la société

Les inégalités sont criantes concernant l’accès à l’autonomie des jeunes. On demande aux jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance d’être autonome dès leurs 18 ans alors que 46% des 18-29 ans habitent chez leurs parents (Source Insee), que l’âge moyen d’obtention du bac est  de plus de 18 ans et que l’âge d’entrée dans un emploi stable s’élève à 27-28 ans . 

Cette exigence conduit une grande partie de ces jeunes à subir, bien plus que choisir, une orientation vers des filières courtes. En pratique, les jeunes sortant de l’ASE ont 5 fois moins de chances de préparer un bac général.

 

  • Reconnaître le droit d’expérimenter

Reconnaître aux jeunes un « droit d’expérimenter » et un « droit à l’erreur » à tous les jeunes est essentiel et conduit donc à accepter une plus grande souplesse dans l’organisation et le fonctionnement des services, en consentant à une « prise de risques » mesurée par les professionnelles et professionnels et assumée par les institutions. SOS Villages d’Enfants insiste également sur l’importance d’avoir des contrats non conditionnés à un projet spécifique de formation et des possibilités de retour.

 

  • Incohérence d’une politique en termes de coût efficacité/investissement

L’avis du CESE met aussi en exergue un gâchis économique et social. Le coût moyen de 10 ans de placement s’élèverait à 1 million d’Euros. Interrompre ces financements à 18 ans est une aberration car s’ils étaient prolongés, ils se concrétiseraient par une meilleure insertion professionnelle et sociale et donc un gain non seulement  pour le jeune mais aussi pour la société plus globalement.

Il faut donc mettre fin dès maintenant à cette injonction à l’autonomie à 18 ans et donner les moyens à tout jeune bénéficiant d’une mesure de protection d’être accompagné tant financièrement que socialement, psychologiquement pour favoriser son inclusion dans la société.

Le CESE propose 2 scénariis : modifier le droit commun en garantissant, pour tout jeune de 18 ans, un parcours d’accompagnement vers l’insertion assorti d’une garantie de ressources ou créer un droit spécifique pour les jeunes majeurs sortants de l’ASE consistant en un accompagnement jusqu’à la fin des études ou le premier emploi durable (CDD de plus de 6 mois ou CDI), cofinancée par l’Etat et les départements.

Au regard notamment des tensions entre Etats et Départements et du nombre de jeunes concernés (environ 30 000), la seconde solution nous parait la plus pertinente.

 

  • Assurer un réel pilotage national et territorial de la politique de protection de l’enfance

Ce pilotage doit s’accompagner d’une  coordination effective tant interministérielle que territoriale pour remettre l’enfant au cœur des politiques publiques.  Pour répondre aux besoins de l’enfant,  lui permettre d’exercer ses droits, ce pilotage doit s’appuyer sur une vision globale de l’enfant et penser  une coordination des différents acteurs qui l’accompagnent dans son parcours.

SOS Villages d’Enfant est également attachée à l’idée qu’aucune politique ne doit se déployer sans s’appuyer sur des données et des statistiques à la fois pour être conçue, mise en œuvre  et évaluée.

 

 

Ainsi SOS Villages d’Enfants espère sincèrement que ce rapport, qui s’inscrit dans la ligne de la loi du 14 mars 2016, viendra nourrir la stratégie gouvernementale en cours d’élaboration sur la protection de l’enfance 2018-2022 et contribuera à une meilleure effectivité des droits des enfants et des jeunes en France. SOS Villages d’Enfants attire enfin l’attention sur l’importance de d’articuler cette stratégie avec la réforme du travail social et la formation des professionnels qui accompagnent les enfants et les jeunes adultes.

 

 

Pour télécharger l’avis du CESE relatif à la prévention des ruptures dans les parcours en protection de l’enfance : http://www.lecese.fr/content/presentation-du-projet-d-avis-prevenir-les-ruptures-dans-les-parcours-en-protection-de-lenfance

 

 

[1] Pièce réalisée à partir des entretiens de la recherche Des jeunes sortant de la protection de l’enfance font des recherches sur leur monde coordonnée par P. Robin et dont nous étions partenaire. Le teaser de cette pièce est accessible sur https://www.youtube.com/watch?v=4sabNnj0Yu0&feature=youtu.be

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