L'accompagnement des jeunes majeurs dans la loi Enfance: on y est presque! - SOS Villages d'Enfants

L’accompagnement des jeunes majeurs dans la loi Enfance: on y est presque!

Communiqué de presse

8 juillet 2021

 

 

Hier soir, le gouvernement a entendu en partie l’appel des jeunes majeurs issus de la protection de l’enfance et a fait un pas important vers l’interdiction pérenne des sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance, ce dont le collectif se réjouit. Un pas important mais entaché par trois petits mots … « A titre temporaire ».

 

Là où Cause Majeur ! défend un accompagnement des jeunes en situation de vulnérabilité et un respect de leur temporalité, le gouvernement leur rappelle par ces trois mots, l’extrême précarité de leur situation et l’urgence qui est la leur de s’insérer dans la société au plus vite. Le risque de disparité d’interprétation entre départements est grand : certains d’entre eux y verront sans nulle doute la liberté de ne rien faire ou pas grand-chose. Au final, on pourrait rapidement voir fleurir des contrats jeunes majeurs de quelques mois sans lien avec les réels besoins des jeunes pris en charge.

 

Par ailleurs, le collectif Cause Majeur ! s’alarme que ces mesures conduisent à l’exclusion des jeunes sortants de Protection Judiciaire de la Jeunesse et des jeunes en situation de vulnérabilité entre 18 et 25 ans sans antécédent ASE.

De réelles avancées à noter

Commençons par le positif, et soulignons les avancées adoptées dans le texte par l’Assemblée Nationale.

 

Hier encore Cause Majeur ! s‘étonnait de l’absence totale d’article sur la question centrale des jeunes majeurs dans le projet de loi. Il paraissait en effet inconcevable de voter une loi sur la protection des enfants en occultant leur devenir au lendemain de leurs dix-huit ans. Les députés eux-mêmes, de tous bords politiques, avaient proposé en vain, car jugés tous irrecevables, des amendements visant à inclure l’accompagnement des jeunes majeurs dans le projet de loi. Fort de cette mobilisation nationale, le gouvernement a porté un amendement de dernière minute visant à ne plus laisser un seul jeune de l’aide sociale à l’enfance sortir sans solution.

 

Pour ce faire, la loi rend obligatoire l’accompagnement par les départements des 18-21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale et couple cet accompagnement par la proposition systématique de la garantie jeune. Pour le collectif Cause Majeur!, cette articulation de l’accompagnement de l’aide sociale à l’enfance avec l’octroi de la garantie jeune, prouve que ces deux accompagnements répondent bien à deux objectifs différents, complémentaires et cumulatifs. L’un axé sur un soutien de type suppléance parentale – et il faudra sans doute mieux le préciser dans le texte – l’autre axé sur l’insertion professionnelle des jeunes sans formation, ni emploi, ni ressource.

 

Le collectif se félicite également de l’adoption des amendements permettant l’accès des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance au dispositif du logement social en tant que public prioritaire et rendant obligatoire un entretien bilan 6 mois après la sortie renouvelable sur demande du jeune jusqu’à ses 21 ans ; des mesures qui font toutes deux parties des recommandations portées par le collectif depuis deux ans.

Des craintes et des oublis très inquiétants

Il n’en demeure pas moins que le texte de loi, adopté hier soir, risque de ne pas répondre à l’objectif premier du gouvernement d’interdire toute sortie sèche de l’aide sociale à l’enfance.

Si l’amendement jeune majeur rend bien obligatoire l’accompagnement des 18-21 ans en difficulté d’insertion sociale, il précise que cet accompagnement est octroyé « à titre temporaire » laissant la porte ouverte à toutes les interprétations. Nous ne sommes donc pas encore au stade de la généralisation des accompagnements des jeunes majeurs sortants de la protection de l’enfance jusqu’à 21 ans. Il ne faudrait pas que certains départements s’appuient sur ce texte pour octroyer, comme certains le font déjà aujourd’hui, en trop grand nombre des contrats de 3 mois, parfois renouvelables, laissant planer au-dessus de la tête des jeunes majeurs une épée de Damoclès insoutenable. Comment se construire et se projeter dans la vie quand vous devez tous les trois mois tout reconsidérer, tout remiser, tout prouver ? Cette intransigeance mène forcément à l’échec et met à mal tous les efforts par ailleurs consentis. Aussi Cause majeur ! demande le retrait impératif de ces trois mots.

 

De même, la rédaction de l’amendement exclut les jeunes de la protection judiciaire de la jeunesse tout comme ceux vulnérables dont les difficultés n’ont pas été repérés durant leur minorité. Il est pourtant primordial de conserver des passerelles en permettant aux jeunes vulnérables ayant notamment eu affaire à la justice pénale et en situation de danger de bénéficier d’un accompagnement jeune majeur une fois la mesure pénale exécutée. Les passerelles existent aujourd’hui et ont besoin d’être renforcées non annihilées. Il faut au contraire redonner du sens au parcours de ces jeunes parmi les plus vulnérables. Arrêtons de les discriminer, ceci ne les aidera pas à s’insérer et prendre une place positive dans notre société.

 

Enfin, pour terminer, cet article reste flou quant au financement de cette mesure qui sera déterminé dans le cadre de la loi de finances. Il nous semble nécessaire que l’Etat soutienne grandement les départements si on souhaite que cette mesure soit effective.

Cause Majeur ! continue de défendre et de porter la mise en place d’un projet d’accompagnement vers l’âge adulte

De manière plus globale, Cause Majeur ! souhaite aller plus loin et plaide pour la mise en place, pour tout jeune en situation de vulnérabilité, notamment celles et ceux ayant bénéficié d’une mesure de protection administrative ou judiciaire, d’un projet d’accompagnement vers l’âge adulte ; dans la continuité de son projet personnalisé pour l’enfant. Cet accompagnement co-construit avec le jeune doit être individualisé, évolutif et gradué pour lui permettre de sortir de manière sécurisée de la protection de l’enfance en respectant ses besoins, sa temporalité, son degré d’autonomie et ses potentialités. 

 

Cet accompagnement de type suppléance parentale par les professionnels de l’enfance doit pouvoir s’appuyer sur toutes les ressources de l’entourage et être proposé sans limite dans le temps et sans condition ou contrat d’engagement. C’est à cette condition qu’il sera un véritable socle d’appui aux différents facteurs d’inclusions sociale, économique et citoyenne que sont l’accès effectif à des ressources suffisantes, à un logement stable, aux soins, à la co-construction et/ou la poursuite d’un parcours professionnel, à la culture et aux loisirs. 

 

Aussi, Monsieur le Ministre, ne créons pas dans la loi des contrats jeunes majeurs secs à titre temporaire, mais créons un accompagnement individualisé vers l’autonomie jusqu’à l’inclusion pleine et entière pour chaque jeune en situation de vulnérabilité dans la société.

Rendez-vous en septembre au Sénat pour parfaire ce projet et faire de cette loi, un texte qui, nous l’espérons, fera date pour le futur de tous les enfants et jeunes en situation de vulnérabilité.

 

 

 

Contacts presse :

Coordination / SOS Villages d’Enfants : Florine Pruchon – fpruchon@sosve.org / 01 53 20 62 86

Sophie Diehl – Citoyens & Justice – s.diehl@citoyens-justice.fr / 06 03 87 17 06

 

Le Collectif « Cause Majeur ! » a été lancé en mars 2019 par des acteurs de la société civile (associations et personnalités qualifiées) pour soutenir la cause des jeunes majeurs sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ou de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). ll veille à la cohérence et à la force des engagements à prendre pour tous les jeunes. Notre document de positionnement autour du projet d’accompagnement vers l’âge adulte et nos recommandations pour une inclusion pleine et entière de ces jeunes sont disponibles sur notre compte Twitter @CauseMajeur et peuvent être transmises sur demande.