Urgence Ukraine : « Les enfants ont très peur »

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Oksana est psychologue au village d'enfants SOS Brovary depuis de nombreuses années. Depuis le 16 février 2022, elle travaille directement avec les familles d'accueil qui sont restées au village d'enfants SOS Brovary, dans la région de Kiev. Elle accompagne à distance avec les familles d'accueil qui ont trouvé refuge dans l'ouest de l'Ukraine.

Publié le 04 mars 2022

La guerre a un effet dévastateur sur l’état émotionnel et mental des enfants. « Les enfants ont très peur ». C’est ce qu’Oksana nous a confié au téléphone après avoir assisté un groupe de familles d’accueil qui a quitté le village d’enfants SOS de Brovary pour être évacué vers la Pologne. Elle-même, ainsi que sa famille, est restée sur place.

 

« En ce moment, je suis dans un sous-sol. Des missiles nous survolent. Je suis ici avec mes enfants – le petit a quatre ans et le fils aîné a douze ans, nous explique-t-elle. Au départ, nos familles d’accueil étaient un peu séparées car certaines d’entre elles sont restées à Brovary et d’autres sont parties vers l’Ouest. »

 

Oksana est restée en contact avec les familles et, des les premiers jours, a repéré des signes de mal-être. « Tous les parents d’accueil m’ont dit que les enfants avaient commencé à manger beaucoup de sucreries. Tout le monde l’a remarqué. Ensuite, certains enfants ont commencé à faire pipi au lit, à manifester de l’anxiété, certains ont été pris de vomissements. Les enfants ont commencé à avoir des réactions corporelles différentes. Un garçon, selon sa mère adoptive, sans que personne ne lui dise de le faire, s’est habillé, il a mis ses bottes, et il se tenait simplement debout, prêt à fuir en courant quelque part. »

 

La psychologue poursuit : « Pour les enfants qui étaient encore dans le village d’enfants SOS, Dieu merci, ils sont partis aujourd’hui, la situation était différente car ils ont entendu des explosions plusieurs fois. Tous les enfants qui sont restés à Brovary ont eu peur. Vous n’avez pas besoin d’être un spécialiste pour regarder dans les yeux des enfants et des adultes et comprendre ce qu’ils ressentent ».

Après une pause, elle reprend « C’était très difficile pour les adultes. D’une manière ou d’une autre, les enfants pouvaient montrer leur désarroi. Les parents d’accueil se sont sentis comme les enfants, impuissants, mais ils ont estimé qu’ils étaient responsables et n’avaient pas le droit d’effrayer les enfants davantage. C’est le lourd fardeau des parents ».

Dans ces moments compliqués, la psychologue a continué d’intervenir auprès de chacun : « J’ai eu des discussions avec les enfants, je leur ai fait faire des exercices de respiration, j’ai utilisé divers jeux et exercices, puis nous nous sommes attaqués au sentiment de peur. Je ne les ai pas entraînés dans l’émotion, mais j’ai organisé comme un jeu, leur demandant de décrire ce qu’ils ont ressenti avant, pendant et après avoir eu peur – pour que chaque enfant puisse parler ».

Encouragés et un peu plus rassurés, les enfants ont commencé à partager : « Au début, ils étaient un peu fermés mais ensuite ils se sont ouverts et chacun d’eux a commencé à parler de ses peurs – comment ils ont vécu les événements, comment ils s’inquiétaient des explosions, à quel point ils avaient peur de se perdre ou de perdre leurs parents adoptifs, qu’ils pourraient être physiquement blessés et handicapés s’ils se trouvaient sous les ruines. Il y avait beaucoup de peurs… Les enfants parlaient et parlaient et parlaient, ils ne s’arrêtaient plus ».

La parole libérée a révélé les grandes inquiétudes des enfants et des jeunes : « Les enfants ont très peur. Un garçon ne va tout simplement pas aux toilettes sans sa mère SOS, je vous parle ici d’un adolescent, pas d’un garçonnet. Il préfère attendre et se retenir toute la nuit d’aller aux toilettes car il a peur. Toute la famille a dormi sur des matelas au rez-de-chaussée, plusieurs nuits d’affilée de nombreuses nuits. Il est resté tout ce temps comme scotché à sa mère SOS ».

Oksana conclue : « Les petits enfants… Eh bien, bien sûr, l’état émotionnel des parents ou des soignants a un impact sur eux, car il existe des liens forts et les enfants sentent tout. C’est vraiment une bonne chose que ces familles d’accueil aient désormais quitté la région ».